Wednesday, November 24, 2010

La Danse (partie 1)

Je dis souvent que la Danse de la Pleine Lune, la Rasa-Lila, est à l’hindouisme ce que le Cantique des Cantiques est au monde judéo-chrétien. Au premier regard il s’agit d’une histoire d’amour aux accents fort sensuels, mais les croyants au fil des siècles y ont vu une illustration de la relation intime qui existe entre Dieu et l’humanité. Cet épisode est raconté dans cinq chapitres du Bhagavata-Purana, une sorte de « Bible » qui relate l’histoire du monde de sa création jusqu’à l’arrivé de Krishna (les histoires de mon dernier post en sont également tirées). Le Bhagavatam est l’un des textes fondamentaux de la bhakti, ce mouvement populaire hindou fortement axé sur la dévotion envers Dieu plutôt que l’érudition. C’est qu’avant l’arrivée de la bhakti la religion était réservée à la très exclusive caste des brahmanes. Des maîtres spirituels comme Ramanuja et Caitanya se sont élevés contre cette barrière. Pas étonnant alors que le moment le plus fort de ce livre met en scène de simples bergères (autre parallèle avec le Cantique d'ailleurs), plutôt que des prêtres brahmanes, comme le plus bel exemple d’amour envers Dieu.

À la vue des nuits où le jasmin s'épanouit au souffle de l'automne, Bhagavat, voulant se livrer au plaisir, recourut à la puissance magique du Yoga.

C’est un soir magnifique à Vrindavan. Krishna s’assied près de la rivière Yamuna, sort sa flûte et se met à jouer. Le notes flottent jusqu’au village où les bergères, les gopis, l’entendent. Elles sont aussitôt captivées par cet appel, et délaissent aussitôt ce qu’elles font pour aller retrouver l’objet de leur désir, Krishna. Certaines en oublient même le plat qui cuit sur le feu.

Elles arrivent dans une clarière et le voient, là, l'objet de leur désir. Mais contrairement à ce qu'elle s'attendent, il leur fait des remontrances : « Oh là là, que faites-vous là? Vous avez des responsabilités à remplir, envers vos enfants et vos maris. Retournez-donc chez vous! » Mais Krishna ici ne fait que les mettre à l’épreuve, afin de voir si leur dévotion est au-delà de leurs responsabilités terre à terre. Un peu comme la situation de Marthe et Marie dans l’Évangile de Luc!

Dire que les gopis n'apprécient pas la réplique de Krishna serait un euphémisme. Elles pleurent à chaudes larmes, se lamentent, frappent le sol à coups de peids et de poings. Elles se lamentent à leur Bien-Aimé:
Loin, ô maître, loin de toi ce langage cruel. Nous avons renoncé à tous les objets sensibles pour venir adorer la plante de tes pieds; rends nous amour pour amour, ne nous abandonne pas, ô Dieu insaisissable. 

Oui, le Bien-Aimé, le proche, l'âme de tous les êtres, c'est toi.


Les sages en effet, mettent uniquement leur bonheur en toi, qui est l'essence de leur être et leur bien-aimé de tout les instants; qu'importe tout le reste, maris, enfants et autres sources de douleur?


Verse, ô maître, le lac d'ambroisie de tes lèvres sur le feu de l'amour qu'ont allumé en nous ton sourire, tes regards et tes accords mélodieux.
Devant la persistance et la dévotion de ces femmes, Krishna sourit et commence à répondre à leur désir. Il marche et chante avec elles dans la forêt de Vrindavan, il les étreigne, il leur fait de tendres regards. Devant toutes ces attentions que leur porte Krishna,  le coeur de ces femmes se gonfle...
Fière de posséder ainsi le bienheureux, le magnanime Krishna, elles se crurent, dans leur orgueil, bien au-dessus des femmes de la terre.
Devant cette attitude, Krishna décide pour leur propre bien de s'éclipser, disparaissant d'un coup et laissant ainsi les femmes tristes et gênées de leur conduite. Elles réalisent leur arrogance et crient au Bien-Aimé pour qu'il revienne. Elle ressentent ce que les hindous appelle le viraha, la plus grande douleur, celle d'être séparée de Dieu.

Mais bien sûr, sa "disparition" n'est que temporaire...

À suivre...

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