Thursday, December 27, 2012

Noël selon le Coran

Voici pour conclure ma série sur les récits de la naissance de Jésus celui qui inspire plus d'un milliards de musulmans. N'oubliez pas que pour eux, Issa est le deuxième prophète en importance après Mahomet, le messie et aussi celui qui reviendra à la fin des temps. L'histoire est très différente de celle des chrétiens et se rattache à des traditions totalement différentes, dont certaines se retrouvent également dans desévangiles apocryphes comme le protoévangile de Jacques, l'évangile du pseudo-Matthieu et l'évangile d'enfance de Thomas. Elle fait partie de la 19e sourate, dite la sourate de Maryam. Y figurent un épisode d'accouchement sous un palmier et un autre où le bébé Jésus parle.

Marie est une figure très admirée par les musulmans, et elle est mentionnée plus souvent dans le Coran que dans le Nouveau Testament. Et "Fils de Maryam" est un titre très souvent accordé à Jésus, sûrement en contrepartie du titre chrétien "Fils de Dieu", puisque les musulmans ne croient pas à la possibilité que le Dieu Unique ait une progéniture. Bien qu'ils croivent en la conception virginale de Jésus, ils ne lui accordent pas un statut divin. C'est d'ailleurs par une réfutation de ce dogme chrétien que ce termine cet extrait. Bonne lecture!

Mentionne, dans le Livre, Marie, quand elle se retira de sa famille en un lieu vers l'Orient.

Elle mit entre elle et eux un voile. Nous lui envoyâmes Notre Esprit (Gabriel), qui se présenta à elle sous la forme d'un homme parfait.

Elle dit : "Je me réfugie contre toi auprès du Tout Miséricordieux. Si tu es pieux, ne m'approche point.

Il dit : "Je suis en fait un Messager de ton Seigneur pour te faire don d'un fils pur".

Elle dit : "Comment aurais-je un fils, quand aucun homme ne m'a touchée, et je ne suis pas prostituée? "

Il dit : "Ainsi sera-t-il! Cela M'est facile, a dit ton Seigneur! Et Nous ferons de lui un signe pour les gens, et une miséricorde de Notre part. C'est une affaire déjà décidée".

Elle devient donc enceinte de l'enfant, et elle se retira avec lui en un lieu éloigné. Puis les douleurs de l'enfantement l'amenèrent au tronc du palmier, et elle dit : "Malheur à moi! Que je fusse morte avant cet instant! Et que je fusse totalement oubliée! "

Alors, il l'appela d'au-dessous d'elle , lui disant :  "Ne t'afflige pas. Ton Seigneur a placé à tes pieds une source. Secoue vers toi le tronc du palmier : il fera tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange donc et bois et que ton oeil se réjouisse! Si tu vois quelqu'un d'entre les humains, dis lui :  "Assurément, j'ai voué un jeûne au Tout Miséricordieux : je ne parlerai donc aujourd'hui à aucun être humain".

Puis elle vint auprès des siens en le portant le bébé. Ils dirent : "Ô Marie, tu as fait une chose monstrueuse! 

Soeur de Haroun , ton père n'était pas un homme de mal et ta mère n'était pas une prostituée".

Elle fit alors un signe vers le bébé. Ils dirent : "Comment parlerions-nous à un bébé au berceau? "

Mais le bébé dit : "Je suis vraiment le serviteur d'Allah. Il m'a donné le Livre et m'a désigné Prophète. Où que je sois, Il m'a rendu béni; et Il m'a recommandé, tant que je vivrai, la prière et la Zakat ; et la bonté envers ma mère. Il ne m'a fait ni violent ni malheureux. Et que la paix soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai, et le jour où je serai ressuscité vivant".

Tel est Issa (Jésus), fils de Marie : parole de vérité, dont ils doutent.

Il ne convient pas à Allah de S'attribuer un fils. Gloire et Pureté à Lui! Quand Il décide d'une chose, Il dit seulement : "Soi! " et elle est.
- Coran, sourate 19

Monday, December 24, 2012

Noël selon Jacques

Noël selon Jacques? direz vous. Mais de quoi diantre parle-t-elle celle-là?

Les 4 évangiles canoniques donnent des tonnes de détails sur le ministère de Jésus, et deux donnent une bonne quaitité de détails sur sa naissance. Mais tous gardent un silence mystérieux sur des questions qui semblaient très importantes pour les chrétiens des premiers siècles du christianisme, mais qui avouons-le nous semble bien absurde aujourd'hui

Pourquoi Dieu a-t-il choisi Marie? Avait-elle un statut particulier dès sa naissances?

Qui était Joseph au fait, comment a-t-il rencontré Marie?

Qui sont les frère et soeurs de Jésus mentionnés dans les évangiles? Comment peuvent-ils exister si Marie était vierge?

Comment Joseph et Marie ont-ils expliqué à leur entourage cette grossesse hors mariage?

Quand Jésus est sorti, a-t-il brisé l'hymen de Marie?

Un des évangiles apocryphes (exclu de la bible) ayant tenté de répondre à ces questions est le protévangile de Jacques. Le texte s'attribue lui-même à Jacques le Juste, frère de Jésus et chef de l'église de Jérusalem au premier siècle. Mais il s'agit plutôt là d'une oeuvre littéraire datant du 2e ou 3e siècle. Mais même s'il n'a jamais été question de l'inclure dans le nouveau testament, le protévangile a été largement diffusé et a eu une énorme influence sur certains dogmes et traditions catholiques, en particulier l'immaculée conception de Marie. Attention, l'Immaculée Conception a rien à voir avec la naissance virginale de Jésus!! C'est plutôt cette idée que Marie serait née sans trace du péché originel en elle, auquel le protévangile accorde beaucoup d'explication dans sa première partie qui traite de l'enfance de Marie.

Mais nous ne nous attarderons pas à cette partie et sauterons directement à la deuxième partie et au récit de l'annonciation.


Or elle prit sa cruche et sortit pour puiser de l'eau. Alors une voix retentit : « Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes. »

Marie regardait à droite et à gauche : d'où venait donc cette voix ? Pleine de frayeur, elle rentra chez elle, posa sa cruche, reprit la pourpre, s'assit sur sa chaise et se remit à filer. Et voici qu'un ange debout devant elle disait : « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe. »
Ces paroles jetèrent Marie dans le désarroi. « Concevrai-je, moi, du Seigneur, dit-elle, du Dieu vivant, et enfanterai-je comme toute femme ? »
Et voici que l'ange, toujours devant elle, lui répondit : « Non, Marie. Car la puissance de Dieu te prendra sous son ombre. Aussi le saint enfant qui naîtra sera-t-il appelé le fils du Très-Haut. Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. » Et Marie dit alors : « Me voici devant lui sa servante ! Qu'il m'advienne selon ta parole. »

On voit que l'auteur inclus des notions qui n'étaient pas dans le récit originel de Luc, soit l'identification de Jésus au Verbe et sa mission de rédemption des péchés. Après un long séjour de six mois chez sa cousine Élizabeth, Marie revient à Nazareth. Joseph, qui dans ce récit est déjà un vieil homme ayant eu plusieurs enfants, qui a pour mission de garder Marie pure, arrive et voit le ventre de la mère.

Et elle demeura trois mois chez Elisabeth. Et de jour en jour son sein s'arrondissait. Inquiète, elle regagna sa maison et elle se cachait des fils d'Israël. Elle avait seize ans, quand s'accomplirent ces mystères. Son sixième mois arriva, et voici que Joseph revint des chantiers; il entra dans la maison et s'aperçut qu'elle était enceinte. Et il se frappa le visage et se jeta à terre sur son sac et il pleura amèrement, disant : « Quel front lèverai-je devant le Seigneur Dieu ? Quelle prière lui adresserai-je ? Je l'ai reçue vierge du temple du Seigneur et je ne l'ai pas gardée. Qui m'a trahi ? Qui a commis ce crime sous mon toit ? Qui m'a ravi la vierge et l'a souillée ? L'histoire d'Adam se répète-t-elle à mon sujet ? Car tandis qu'Adam faisait sa prière de louange, le serpent s'approcha et surprit Eve seule ; il la séduisit et la souilla. La même disgrâce me frappe. »

Et Joseph se releva de son sac et appela Marie : « Toi la choyée de Dieu, qu'as-tu fait là ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu ? Pourquoi t'es-tu déshonorée, toi qui as été élevée dans le Saint des Saints et as reçu nourriture de la main d'un ange ?
Et elle pleura amèrement, disant : « Je suis pure et je ne connais pas d'homme. » Et Joseph lui dit : « D'où vient le fruit de ton sein ? » Et elle répondit : « Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, j'ignore d'où il vient. »
Et Joseph, rempli de frayeur, se tint coi, et il se demandait ce qu'il devait faire d'elle. « Si je garde le secret sur sa faute, se disait-il, je contreviendrai à la loi du Seigneur. Mais si je la dénonce aux fils d'Israël, et que son enfant vienne d'un ange, ce dont j'ai bien peur, alors je livre à la peine capitale un sang innocent. Que ferai-je d'elle ? Je la répudierai en secret. »
La nuit le surprit dans ces réflexions. Et voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe, disant : « Ne t'inquiète pas à propos de cette enfant. Ce qui est en elle vient de l'Esprit saint. Elle t'enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. Car il sauvera son peuple de ses péchés.
Joseph se réveilla et glorifia le Dieu d'Israël qui lui avait donné sa grâce. Et il garda la jeune fille. 

Et c'est à ce moment que commence un récit tout à fait différent de ce qui est rapporté dans le Nouveau Testament. Marie et Joseph vont passer un mauvais quart d'heure!

Or le scribe Anne vint le voir et lui dit : « Joseph, pourquoi n'as-tu point paru à notre réunion ?
- Mon voyage m'avait fatigué, répondit-il, et j'ai passé le premier jour à me reposer. » Mais Anne se retourna et vit Marie enceinte.
Et il partit en courant chez le prêtre et lui dit : « Eh bien, ce Joseph dont tu te portes garant, a commis une faute ignoble. - Quoi donc ? » demanda le grand-prêtre. L'autre reprit: « Il a déshonoré la jeune fille que le temple du Seigneur lui avait confiée et il l'a épousée secrètement, sans avertir les fils d'Israël ! » Et le grand-prêtre lui dit : « Joseph a-t-il fait cela ? » Et l'autre répondit : « Envoie tes gens et tu verras que la jeune fille est enceinte. » Des serviteurs partirent et la trouvèrent dans l'état qu'il avait dit. Ils la ramenèrent au temple et elle comparut au tribunal.
Le grand-prêtre lui dit : « Marie, qu'as-tu fait là ? Pourquoi as-tu perdu ton honneur ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu, toi qui fus élevée dans le Saint des Saints et qui reçus nourriture de la main des anges ? Toi qui entendis leurs hymnes et dansas devant eux ? Qu'as-tu fait là ? »
Et elle pleura amèrement et dit : « Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, je suis pure devant sa face et ne connais pas d'homme. »
Et le grand-prêtre dit : « Et toi, Joseph, qu'as-tu fait ? » Et Joseph répondit : « Aussi Vrai que vit le Seigneur et que vivent son Christ et le témoin de sa vérité, je suis pur vis-à-vis d'elle. » Le grand-prêtre insista : « Ne rends pas de faux témoignage ! Dis la vérité ! Tu l'as épousée en cachette, tu n'as rien dit aux fils d'Israël et tu n'as pas incliné ta tête sous la puissante main qui eût béni ta postérité ! » Et Joseph garda le silence.
Le grand-prêtre reprit : « Rends-nous la jeune fille que tu avais reçue du temple du Seigneur. » Joseph fondit en larmes. Le grand-prêtre ajouta : « Je vous ferai boire l'eau de l'épreuve rituelle et votre faute éclatera à vos yeux. »
Ce rituel de l'eau est mentionné dans la Torah pour les cas d'adultère. C'est un espèce de test bidon semblable au test de la pierre qu'on faisait passer aux femme suspectées de sorcellerie au moyen-âge. En gros, on prenait de l'eau et on la mélangeait avec de la terre, et les accusés devaient en boire. Évidemment, il y avait de gros risques que l'eau soit contaminée et que ça cause une diarrhée. Alors si les accusés devenaient malades, ils étaient coupables. S'il étaient sains et sauf après X jours, ils étaient déclarés innocents. Hé oui, ainsi allaient la justice à l'époque.
Le grand-prêtre prit de l'eau, en fit boire à Joseph puis il l'envoya au désert. Or celui-ci revint indemne. Et il fit boire aussi la jeune fille et l'envoya au désert. Et elle redescendit, indemne. Et tout le peuple s'étonna que leur faute n'eût pas été manifestée. Alors le grand-prêtre dit : « Puisque le Seigneur Dieu n'a pas révélé de péché en vous, moi non plus je ne vous condamne pas. » Et il les laissa partir. Et Joseph prit Marie et rentra chez lui, heureux et louant le Dieu d'Israël.
Il parut un édit du roi Auguste qui invitait tous les habitants de Bethléem en Judée, à se faire recenser. Et Joseph dit : « J'irai inscrire mes fils. Mais que faire avec cette enfant ? Comment la recenser ? Comme ma femme ? Je ne puis décemment. Comme ma fille ? Mais les fils d'Israël savent que je n'ai pas de fille. Qu'en ce jour donc, le Seigneur en décide à son gré. »
Voilà, comme je disais. Dans le protévangile Joseph n'est pas le mari de Marie. C'est un vieux veuf qui l'a pris sous son aile pour la protéger. Pourquoi ce changement à l'histoire de la part de l'auteur? Pour éviter de donner un père terrestre à Jésus bien-sûr, mais aussi pour expliquer pourquoi on disait que Jésus avait frère et soeurs dans les évangiles... c'étaient des enfants de Joseph d'une ancienne union!
Et il sella son âne et la jucha dessus. Son fils tirait la bride et Samuel suivait. Et ils entamaient le troisième mille quand Joseph se retourna et la vit fort rembrunie. « L'enfant qu'elle porte, pensa-t-il, doit la faire souffrir. » Il se tourna une nouvelle fois et vit qu'elle riait. Il lui dit : « Marie, qu'as-tu donc ? Je vois tour à tour joie et tristesse sur ton visage. » Et elle lui dit : « Joseph, deux peuples sont sous mes yeux. L'un pleure et se frappe la poitrine, l'autre danse et fait la fête. »
Ils étaient à mi-chemin, quand Marie lui dit : « Joseph, aide-moi à descendre de l'âne. L'enfant, en moi, me presse et va naître. » Il lui fit mettre pied à terre et lui dit : « Où t'emmener? Où abriter ta pudeur ? L'endroit est à découvert. »
Mais il trouva là une grotte, l'y conduisit et la confia à la garde de ses fils. Puis il partit chercher une sage-femme juive dans le pays de Bethléem. 


Étrange passage... Marie fait surement référence aux Juifs et aux Gentils. Évidemment, àl'époque on croyait que les juifs étaient coupables d'avoir "tué Dieu" et que les Gentils chrétiens formaient les nouveau peuple élu. Le passage qui suit est encore plus étrange. Il est narré à la première personne par Jospeph et ressemble drôlement à une vision prophétique ou apocalyptique. Je vous laisse le plaisir d'essayer d'y comprendre quelque chose.
 « Or moi, Joseph, je me promenais et ne me promenais pas. Et je levai les yeux vers la voûte du ciel et je la vis immobile, et je regardai en l'air et je le vis figé d'étonnement. Et les oiseaux étaient arrêtés en plein vol. Et j'abaissai mes yeux sur la terre et je vis une écuelle et des ouvriers étendus pour le repas, et leurs mains demeuraient dans l'écuelle. Et ceux qui mâchaient ne mâchaient pas et ceux qui prenaient de la nourriture ne la prenaient pas et ceux qui la portaient à la bouche ne l'y portaient pas. Toutes les faces et tous les yeux étaient levés vers les hauteurs. Et je vis des moutons que l'on poussait, mais les moutons n'avançaient pas. Et le berger levait la main pour les frapper, et sa main restait en l'air. Et je portai mon regard sur le courant de la rivière et je vis des chevreaux qui effleuraient l'eau de leur museau, mais ne la buvaient pas. Soudain la vie reprit son cours.

Et je vis une femme qui descendait de la montagne et elle m'interpella : « Eh, l'homme, où vas-tu ? » Je répondis : « Je vais chercher une sage-femme juive. - Es-tu d'Israël ? me demanda-t-elle encore. - Oui », lui dis-je. Elle reprit : « Et qui donc est en train d'accoucher dans la grotte ? »

Et je lui dis : « C'est ma fiancée. - Elle n'est donc pas ta femme ? » demanda-t-elle. Et je lui dis : « C'est Marie, celle qui a été élevée dans le temple du Seigneur. J'ai été désigné pour l'épouser, mais elle n'est pas ma femme, et elle a conçu du Saint-Esprit. »

Et la sage-femme dit : « Est-ce la vérité ? »

Joseph répondit : « Viens et vois. »

Et elle partit avec lui, et ils s'arrêtèrent à l'endroit de la grotte. Une obscure nuée enveloppait celle-ci. Et la sage-femme dit : « Mon âme a été exaltée aujourd'hui car mes yeux ont contemplé des merveilles : le salut est né pour Israël. » Aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière resplendit à l'intérieur, que nos yeux ne pouvaient supporter. Et peu à peu cette lumière s'adoucit pour laisser apparaître un petit enfant. Et il vint prendre le sein de Marie sa mère. Et la sage-femme s'écria : « Qu'il est grand pour moi ce jour ! J'ai vu de mes yeux une chose inouïe. »
Et voilà comment Jésus a pu naître sans toucher à la virginité de Marie, avec de la grosse lumière magique. Mais comment sait-on que l'hymen est toujours présent? Grâce à la scène d'examen gynécologique qui suit! Ici l'histoire de Salomé fait parallèle à l'histoire de Thomas, ils ont tout les deux besoin de mettre leur doigts à des endroits bizarres pour avoir la foi!

Et la sage-femme sortant de la grotte, rencontra Salomé et elle lui dit : « Salomé, Salomé, j'ai une étonnante nouvelle à t'annoncer : une vierge a enfanté, contre la loi de nature. » Et Salomé répondit : « Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je ne mets mon doigt et si je n'examine son corps, je ne croirai jamais que la vierge a enfanté. »

Et la sage-femme entra et dit : « Marie, prépare-toi car ce n'est pas un petit débat qui s'élève à ton sujet. » A ces mots, Marie se disposa. Et Salomé mit son doigt dans sa nature et poussant un cri, elle dit : « Malheur à mon impiété et à mon incrédulité ! disait-elle, j'ai tenté le Dieu vivant ! Et voici que ma main se défait, sous l'action d'un feu. »

Et Salomé s'agenouilla devant le Maître, disant : « Dieu de mes pères, souviens-toi que je suis de la lignée d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Ne m'expose pas au mépris des fils d'Israël, mais rends-moi aux pauvres. Car tu sais, ô Maître, qu'en ton nom je les soignais, recevant de toi seul mon salaire. Et voici qu'un ange du Seigneur parut, qui lui dit : « Salomé, Salomé, le Maître de toute chose a entendu ta prière. Etends ta main sur le petit enfant, prends-le. Il sera ton salut et ta joie. »

Et Salomé, toute émue, s'approcha de l'enfant, le prit dans ses bras, disant : « Je l'adorerai. Il est né un roi à Israël et c'est lui. » Aussitôt Salomé fut guérie, et elle sortit de la grotte, justifiée. Et voici qu'une voix parla « Salomé, Salomé, n'ébruite pas les merveilles que tu as contemplées, avant que l'enfant ne soit entré à Jérusalem. »
Le reste de l'histoire reprend verbatim presque tout le récit des mages de Matthieu. C'est sur ce récit d'ailleurs que ce terminent les détails sur la naissance de Jésus, car le reste de l'évangile s'atterde à l'histoire de Zacharie et Elizabeth, les parents de Jean-Baptiste.

Alors que Joseph se préparait à partir pour la Judée une vive agitation éclata à Bethléem de Judée. Les mages arrivèrent, disant : « Où est le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer. »

Cette nouvelle alarma Hérode qui dépêcha des serviteurs auprès des mages. Il convoqua aussi les grands prêtres et les interrogea au prétoire : « Qu'est-il écrit sur le Christ ? demanda-t-il. Où doit-il naître ? » Ils répondirent : « A Bethléem en Judée. Ainsi est-il écrit. » Et il les congédia.

Puis il interrogea les mages, leur disant : « Quel signe avez-vous vu au sujet du roi nouveau-né ? » Et les mages répondirent : « Nous avons vu une étoile géante, parmi les autres constellations, si éblouissante qu'elle les éclipsait toutes. Ainsi avons-nous compris qu'un roi était né à Israél et nous sommes venus l'adorer. »
Hérode leur dit : « Partez à sa recherche, et si vous le trouvez, faites-le moi savoir afin que moi aussi j'aille l'adorer. »

Les mages partirent. Et voici, l'astre qu'ils avaient vu en Orient les conduisit jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à la grotte, et au-dessus de la tête de l'enfant, il s'arrêta. Quand ils l'eurent vu là, avec Marie sa mère, les mages tirèrent des présents de leurs sacs, or, encens et myrrhe. Mais comme l'ange les avait avertis de ne pas repasser par la Judée, ils rentrèrent chez eux par un autre chemin. Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit en colère et envoya des tueurs avec mission de faire périr tous les enfants jusqu'à l'âge de deux ans. Quand Marie apprit ce massacre, saisie d'effroi, elle prit l'enfant, l'emmaillota et le cacha dans une mangeoire à bétail.

Et voilà pour les récits chrétiens sur la naissance de Jésus. Par la suite, d'autre évangiles, ceux du pseudo-Matthieu et du pseudo-Thomas, ont pris le relais pour raconter l'enfance de Jésus, de la fuite en Égypte jusqu'à sa discussion avec les docteurs du temple à douze ans. Ces récits de l'enfance feront l'objet d'un autre post l'an prochain.

Toutefois, dans mon prochain post... Noël selon Mahomet!

Friday, December 21, 2012

Noël selon Luc

Nous avons vu la dernière fois le récit de la naissance de Jésus tel que raconté dans l'évangile de Matthieu. Souvenons-nous que Matthieu s'adressait à un public juif et avait grand souci de faire concorder Jésus avec les prophéties messianiques de la bible juive. Luc n'était pas juif. C'était un homme grec, probablement bien éduqué, très proche de la pensée de Paul. Son évangile s'adressait à la communauté grandissante des chrétiens non-juifs, et avait un soucis particulier pour l'universalisme, la justice sociale et la place des femmes dans l'église.

L'évangile de Luc commence avec un long prologue où il raconte l'histoire de Zacharie et Élizabeth et la conception miraculeuse de Jean-Baptiste. Mais rendons nous directement à la scène de l'annonciation.

Le sixième mois, Dieu envoya l'ange Gabriel dans une ville de Galilée, Nazareth, chez une jeune fille fiancée à un homme appelé Joseph. Celui-ci était un descendant du roi David ; le nom de la jeune fille était Marie. L'ange entra chez elle et lui dit : « Réjouis-toi ! Le Seigneur t'a accordé une grande faveur, il est avec toi. » Marie fut très troublée par ces mots ; elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L'ange lui dit alors : « N'aie pas peur, Marie, car tu as la faveur de Dieu. Bientôt tu seras enceinte, puis tu mettras au monde un fils que tu nommeras Jésus. Il sera grand et on l'appellera le Fils du Dieu très-haut. Le Seigneur Dieu fera de lui un roi, comme le fut David son ancêtre, et il régnera pour toujours sur le peuple d'Israël, son règne n'aura point de fin. » Marie dit à l'ange : « Comment cela sera-t-il possible, puisque je suis vierge ? » L'ange lui répondit : « Le Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Dieu très-haut te couvrira comme d'une ombre. C'est pourquoi on appellera saint et Fils de Dieu l'enfant qui doit naître. Élisabeth ta parente attend elle-même un fils, malgré son âge ; elle qu'on disait stérile en est maintenant à son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu. » Alors Marie dit : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu l'as dit. » Et l'ange la quitta.

Contrairement à Matthieu, c'est du point de vue de Marie qu'est vu cet épisode. Les femmes prennent beaucoup de place dans Luc. Pensons à Marthe et Marie et aux femmes riches qui dit-on, financaient les activité de Jésus. Cette scène est le fondement de toute la mariologie, c'est à dire, dans la foi catholique, de la réflexion sur le rôle de Marie dans le plan de rédemption de Dieu. Je ne m'étendrai pas ici dur tout ce débat entre catholiques et protestants, mais je pense que n'importe quel chrétiens peut admirer ici l'humilité inspirante de cette femme face à l'honneur énorme et le lourd fardeau qui lui sont donnés.

Notez aussi que le récit débute à Nazareth où on toujours vécu Marie et Joseph, contrairement à Matthieu qui les plaçait à Bethléem. Luc utilisera un autre raccourci pour rattacher Jésus au patelin de David.

Pendant sa grossesse, Marie ira visiter sa cousine Élizabeth qui est enceinte de Jean. Il est peu probable que Jésus et Jean aient été parents. Vous savez, Jean à son époque a été un prophète beaucoup plus connu et reconnu que Jésus, et il est beaucoup plus mentionné dans les lives d'histoire de l'époque. On s'accorde pour dire que le Jean historique n'a probablement pas annoncé la messianité de Jésus et qu'il y a eu une sérieux conflit entre les disciples de Jean et de Jésus. D'ailleurs, la religion mandéenne, qui se dit héritière des disciples de Jean, considère Jésus comme un faux prophète. En fait, les historiens croient que Jésus a été un disciple de Jean d'abord puis qu'il l'a quitté pour faire ses propres choses. Les premiers chrétiens ont eu de la difficulté a accepter le fait que le messie ait eu un gourou, et ont donc mis dans les évangiles des explications pour résoudre ce problème.

Dans l'épisode de la visite à Élizabeth, Marie proconce cette célèbre et très belle prière, le Magnificat:

Marie dit alors :
« De tout mon être je veux dire la grandeur du Seigneur,
mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon Sauveur ; car il a bien voulu abaisser son regard sur moi, son humble servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
car Dieu le Tout-Puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint,
il est plein de bonté en tout temps pour ceux qui le respectent. Il a montré son pouvoir en déployant sa force :
il a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,
il a renversé les rois de leurs trônes
et il a placé les humbles au premier rang.
Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
Il est venu en aide au peuple d'Israël, son serviteur :
il n'a pas oublié de manifester sa bonté
envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l'avait promis à nos ancêtres. » 

Cette prière donne le ton de tout l'évangile et on peut se douter qu'il n'y aura pas d'or ou de rois-mages qui viendront visiter Jésus ici!


En ce temps-là, l'empereur Auguste donna l'ordre de recenser tous les habitants de l'empire romain. Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d'origine. Joseph lui aussi partit de Nazareth, un bourg de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, où est né le roi David ; en effet, il était lui-même un descendant de David. Il alla s'y faire enregistrer avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu'ils étaient à Bethléem, le jour de la naissance arriva. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'abri destiné aux voyageurs.

Rappelons-nous que Luc doit encore expliquer à sa façon le mystère "Nazareth vs Bethléem". Il va tenter d'utiliser un événement historique, un recensement pour motif de taxes en Judée, pour envoyer Marie et Joseph dans la ville de David. Le problème, c'est que Luc utilise piètrement l'histoire. Le recencement de Quirinius était plutôt mineur et ne couvrait que la Judée et la Syrie, contrairement à Luc qui affirme qu'il couvrait tout l'Empire Romain. Et puis, cette pratique de devoir retourner au village de ses ancêtres n'est relevée par aucun historien de l'époque.

Jésus nait  dans une crèche, c'est à dire une mangeoire pour animaux. Cette mangeoire aurait pu être placée n'importe où, y compris dehors. L'étable, le boeuf et l'âne sont des inventions non-bibliques. Évidemment, il y là un grand contraste avec le petit Jésus couvert d'or de Matthieu. Luc avait un grand souci des pauvres et des exclus, bien plus qu'un souci de lignée davidique.
Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. Mais l'ange leur dit : « N'ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un Sauveur ; c'est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître : vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. »
Tout à coup, il y eut avec l'ange une troupe nombreuse d'anges du ciel, qui louaient Dieu en disant :
« Gloire à Dieu dans les cieux très hauts,
et paix sur la terre pour ceux qu'il aime ! »



Tout ce passage est du pur Luc. Encore une fois, ce sont de pauvres bergers plutôt que de riches prêtres qui sont les premiers à recevoir l'annonce de la naissance du messie. Et pas seulement ça, le chants de anges a un portée universaliste et promet la paix à toute la terre! Soit dit en passant, certaines vieilles traductions disent "paix aux hommes de bonne volonté"... c'est une erreur de traduction médiévale qui a pris bien du temps à être corrigée!

Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons donc jusqu'à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se dépêchèrent d'y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche. Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l'ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. Tous ceux qui entendirent les bergers furent étonnés de ce qu'ils leur disaient. Quant à Marie, elle gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondément. Puis les bergers prirent le chemin du retour. Ils célébraient la grandeur de Dieu et le louaient pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, car tout s'était passé comme l'ange le leur avait annoncé.

Le huitième jour après la naissance, le moment vint de circoncire l'enfant ; on lui donna le nom de Jésus, nom que l'ange avait indiqué avant que sa mère devienne enceinte.


 Encore une fois, c'est le point de vue de Marie qui nous est donnée. "Marie gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondémenent." J'adore ce verset, et je crois que c'est le plus important à retenir en ce temps de Noel. Comme Marie, prenons le temps à Noel d'être étonnés à nouveau par cette belle histoire, et prenons le temps d'y réfléchir. Quel miracle en effet de voir, année après année, le Christ naître en nous à nouveau!

La prochaine fois, Noël selon Jacques!

Wednesday, December 19, 2012

Noël selon Matthieu


Noel approche, youppi! Et évidemment, cette fête est l'occasion de nous raconter, pour la énième fois, l'histoire de la naissance de Jésus... On ne se tanne pas! Mais, d'où vient cette histoire?
Le plus ancien évangile, celui de Marc, ne fait aucune mention de l'enfance de Jésus. Le récit commence lors de son baptême. Les récits de Noel nous viennent des évangiles de Matthieu et Luc, qui ont largement plagié Marc en y ajoutant maints détails. Le hic, c'est que les deux ne se sont apparament pas consultés pour établir le récit de la naissances de Jésus, car les deux sont complètement différents! Un des plus grand casse-tête des littéralistes est de trouver une façon de les faire fitter ensemble! Mais, dans les récits de Noel qu'on raconte à l'église, dans les films et dans les livres pour enfant, c'est sans problème que les deux histoires sont mélangées et les résultat est une histoire très belle qui est une allégorie du Christ qui renait en chacun des chrétiens à Noel. Mais, il est intéressant de jeter un coup d'oeil aux deux évangiles afin de bien les départager. Car chacun a écrit son récit avec des intentions bien précises. Aujourd'hui, Matthieu, qui écrivait à un auditoire principalement juif.
Voici dans quelles circonstances Jésus-Christ est né. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; mais avant qu'ils aient vécu ensemble, elle se trouva enceinte par l'action du Saint-Esprit. Joseph, son fiancé, était un homme droit et ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de rompre secrètement ses fiançailles.
L'histoire de Matthieu est racontée du point de vue de Joseph, ce qui est compréhensible puisque c'est par Joseph que Jésus descend du roi David. Marie sera très peu mentionnée dans Matthieu, qui en fait laisse peu de place aux femmes dans son évangile.
Comme il y pensait, un ange du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit : « Joseph, descendant de David, ne crains pas d'épouser Marie, car c'est par l'action du Saint-Esprit qu'elle attend un enfant. Elle mettra au monde un fils, que tu appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela arriva afin que se réalise ce que le Seigneur avait dit par le prophète :
« La vierge sera enceinte et mettra au monde un fils, qu'on appellera Emmanuel. »
— Ce nom signifie « Dieu est avec nous ». —


On a ici la première tentative de Matthieu d'utiliser une prophétie de la bible juive pour appuyer la messianité de Jésus. Le problème, c'est qu'il cite la traduction grecque de celle-ci, la Septante. Problème majeur, parce que dans l'original hébreux il n'est nullement fait mention d'une vierge, mais plutôt d'une jeune fille (alma). On voit donc l'absurde de la situation... l'évangéliste crée une histoire pour rattacher Jésus à une prophétie qui n'existe même pas, et toute le dogme du christianisme accorde une grande importance à la naissance virginale. D'ailleurs Jésus n'est pas le seul à se voir attribuer une conception miraculeuse. Alexandre le Grand, par exemple, faisait volontairement circuler la rumeur que son père était un dieu afin d'augmenter sa stature auprès du peuple. Toutefois, contrairement à Alexandre le Grand, jamais Jésus n'aurait toléré de telles élucubrations!
Quand Joseph se réveilla, il agit comme l'ange du Seigneur le lui avait ordonné et prit Marie comme épouse. Mais il n'eut pas de relations avec elle jusqu'à ce qu'elle ait mis au monde son fils, que Joseph appela Jésus.
Jésus naquit à Bethléem, en Judée, à l'époque où Hérode était roi.
Avez vous remarqué que nulle mention n'est faite de Nazareth encore. Pour Matthieu, il était clair que Jésus devait absolument être originaire de Bethléem comme il se devait d'un descendant de la lignée de David, comme la prophérie qu'on verra plus tard. Le problème, c'est que Jésus venait de Nazareth en Galilée et ça tout le monde le savait. Les évangéliste avaient donc un sérieux problème devant eux et ont choisi des façons différente d'expliquer tout ça. Ici Matthieu dit que Marie et Jospeh étaient de Bethléem... Nazareth viendra plus tard.
Après sa naissance, des savants, spécialistes des étoiles, vinrent d'Orient. Ils arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est l'enfant qui vient de naître, le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile apparaître en Orient et nous sommes venus l'adorer. »
Ce sont ici ce que la tradition appelle les “trois rois mages”, qui finalement ne sont ni trois, ni des rois, ni des magiciens. C'est probablement à des astrologues perses ou des prêtes zoroastriens qu'on fait référence ici. “Les trois rois mages” sont des personnages issus de traditions non bibliques. Leurs noms, Batlhazar, Melchior et Gaspard, sont aussi issus de très anciens contes qui ont finalement pris place dans l'imaginaire collectif.
Quand le roi Hérode apprit cette nouvelle, il fut troublé, ainsi que toute la population de Jérusalem. Il convoqua tous les chefs des prêtres et les maîtres de la loi, et leur demanda où le Messie devait naître. Ils lui répondirent : « A Bethléem, en Judée. Car voici ce que le prophète a écrit :
“Et toi, Bethléem, au pays de Juda,
tu n'es certainement pas la moins importante des localités de Juda ;
car c'est de toi que viendra un chef
qui conduira mon peuple, Israël.”  »
Alors Hérode convoqua secrètement les savants et s'informa auprès d'eux du moment précis où l'étoile était apparue. Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez chercher des renseignements précis sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille, moi aussi, l'adorer. »
Après avoir reçu ces instructions du roi, ils partirent. Ils virent alors l'étoile qu'ils avaient déjà remarquée en Orient : elle allait devant eux, et quand elle arriva au-dessus de l'endroit où se trouvait l'enfant, elle s'arrêta. Ils furent remplis d'une très grande joie en la voyant là. Ils entrèrent dans la maison et virent l'enfant avec sa mère, Marie. Ils se mirent à genoux pour adorer l'enfant ; puis ils ouvrirent leurs bagages et lui offrirent des cadeaux : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Ensuite, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner auprès d'Hérode ; ils prirent alors un autre chemin pour rentrer dans leur pays.
Voyez, nulle mention d'une étable, mais plutôt de l'or et plein de trucs précieux. Matthieu voulait établir Jésus comme un roi de la ligne de David, et non pas comme étant né dans la pauvreté la plus totale. La myrrhe étant un produit servant à l'embaumement, Matthieu laisse également présager la mort de Jésus sur la croix.
Quand les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit : « Debout, prends avec toi l'enfant et sa mère et fuis en Égypte ; restes-y jusqu'à ce que je te dise de revenir. Car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire mourir. » Joseph se leva donc, prit avec lui l'enfant et sa mère, en pleine nuit, et se réfugia en Égypte. Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode. Cela arriva afin que se réalise ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « J'ai appelé mon fils à sortir d'Égypte. »
Quand Hérode se rendit compte que les savants l'avaient trompé, il entra dans une grande colère. Il donna l'ordre de tuer, à Bethléem et dans les environs, tous les garçons de moins de deux ans ; cette limite d'âge correspondait aux indications que les savants lui avaient données. Alors se réalisa ce qu'avait déclaré le prophète Jérémie :
« On a entendu une plainte à Rama,
des pleurs et de grandes lamentations.
C'est Rachel qui pleure ses enfants,
elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts. »
Après la mort d'Hérode, un ange du Seigneur apparut dans un rêve à Joseph, en Égypte. Il lui dit : « Debout, prends avec toi l'enfant et sa mère et retourne au pays d'Israël, car ceux qui cherchaient à faire mourir l'enfant sont morts. » Joseph se leva donc, prit avec lui l'enfant et sa mère et retourna au pays d'Israël. Mais il apprit qu'Archélaos avait succédé à son père Hérode comme roi de Judée ; alors il eut peur de s'y rendre. Il reçut de nouvelles indications dans un rêve, et il partit pour la province de Galilée. Il alla s'établir dans une ville appelée Nazareth. Il en fut ainsi pour que se réalise cette parole des prophètes : « Il sera appelé Nazaréen. »


Le massacre des innocents est un événement hautement improbable qui n'est mentionné dans aucun texte d'histoire. Flavius Josephe ne le mentionne pas non plus, lui qui a fait une recensions très précise des événements de cet époque. C'est une invention destinée, encore une fois, à rattacher Jésus à une prophétie biblique. Ce récit servira aussi de prétexte pour expliquer pourquoi Jésus n'a pas grandi à Bethléem mais plutôt à Nazareth. Et puis, ce récit en est un autre qui a été utilisé ailleurs pour justifier la mission spéciale d'une personne, par exemple Moise. Et qui d'autre? Krishna! Le tyran Kamsa ayant entendu un prophétie disant que le fils de Devaki et Vasudeva le tuerait, celui-ci ordonna que chacun de leur bébé soit tué dès la naissance. Mais ceux-ci en ont eu assez et ont trouvé une façon de cacher le 8e fils dans un village. Kamsa ordonna donc le massacre des bébés de ce village, mais Krishna avait déjà fui avec ses parents adoptifs.

Et les bergers? L'étable? L'ange qui apparait à Marie? Les anges qui font un cantique? Marie sur un dos d'âne allant à Bethléem?

Pour le savoir, nous irons du côté de l'évangile de Luc!



Saturday, December 15, 2012

Bhagavad Gita: Le champ de nos batailles

Plusieurs de mes prochains articles porterons sur la Bhagavad Gita, probablement le texte le plus influent de l'hindouisme et le plus beau cadeau que cette religion ait fait à l'humanité. Et, à mon avis, un des textes sacrés qui vieillit le mieux, toutes religions confondues!

Alors réglons la question tout de suite: oui, la Gita se déroule sur un champ de bataille. Et oui, tout au long du livre, Krishna va pousser son ami Arjuna à se battre. Est-ce à dire que la Gita est un texte qui encourage la violence? Absurde! Même une lecture superficielle de la Gita rend évidente le fait que ses enseignement guident vers la non-violence. Il faut simplement comprendre que la Gita, tout comme la Torah et les autres mythes religieux, a été écrite à une époque où la guerre faisait partie intégrante de la société, faisait partie intégrante du langage que les gens parlaient. Bien sûr la guerre dont il est question dans la Gita et dans le Mahabharata (la grande épopée où se déroule la Gita) n'a pas vraiment eu lieu. Elle est plutôt une représentation mythique de la guerre intérieure que chaque individu doit mener au cours de sa vie. Guerre contre quoi? Il y a possiblement autant d'ennemis qu'il y a d'êtres humains.

Arjuna est l'un des Pandavas, cinq princes qui se sont fait voler leur royaume par leur propres cousins, les Kauravas. Cette guerre fratricide dure depuis des années et chaque clan du pays a choisi son côté, celui des Pandavas ou celui des Kauravas. Tous sauf un, les Yadavas, le clan de Krishna. Évidemment, si vous avez déjà lu certain de mes post précédents, vous savez que pour les hindous Krishna n'est nul autre que l'incarnation de Dieu même.

Sa divine nature l'oblige à un peu de neutralité, alors Krishna fait une offre aux deux parties: il offrira son armée à une et sa présence personnelle à l'autre. Les Kauravas choississent l'armée. Les Pandavas choississent d'avoir Krishna de leur bord. Krishna refuse de prendre les armes, mais il sera le conducteur de chariot d'Arjuna. Hé oui, Arjuna a fait le sage choix de laisser Dieu lui même guider les rênes de sa vie!


Nous en somme au dernier acte de cette longue guerre. Elle va se terminer dans les heures qui vont suivre, sur la plaine de Kurukshetra. Les généraux de chaque côté font sonner leur conches, ces coquillages qui produisent un bruit tonitruant quand on souffle dedans. Arjuna demande à Krishna d'approcher le char du camp adverse, pour voir les forces en présences. Et ce qu'il voit lui glace le sang.

Voyant aussi les beaux-pères, les compagnons, et tous ses parentés se trouvant dans les rangs de deux armées, Arjuna fut envahi d’une grande compassion et dit douloureusement : O Kŗşna, voyant tous mes proches rangés désireux de se battre, mes membres fléchissent et ma bouche se dessèche. Mon corps tremble et mes cheveux se dressent.


L’arc me glisse des mains et ma peau brûle intensément. Ma tête est prise de vertige, je me sens incapable de me tenir debout, et O Kŗşna, je ne vois que funestes présages. Je ne vois pas l’utilité de tuer mes parentés dans cette guerre.
Je ne désire pas la victoire, ni les plaisirs, ni royaume, O Kŗşna. A quoi bon le pouvoir, ou les plaisirs, ou même la vie, O Kŗşna ? Car, tous ceux pour qui nous désirons le royaume, les jouissances et les plaisirs sont rangés ici en bataille, renonçant  à leur vie et à leurs richesses.


Il serait préférable pour moi que les fils de Dhrtarâstra me tuent dans la bataille les armes en mains, pendant que je suis désarmé et sans résistance.
(...)
Ayant dit ceci en plein champ de bataille, abandonnant arc et flèches, Arjuna s’assit dans son char l’esprit accablé de douleur.
- Bhagavad Gita, chapitre 1

Allégoriquement, nous somme tous Arjuna et Dieu est constamment à nos côtés à travers nos combats. Combat contre nous même d'une certaine façon, tout comme Arjuna se voit lui-même dans les membres de sa famille qui sont dans le camp ennemi. Nous sommes libres de se laisser conduire par lui à travers ce combat, vers la paix. Ou nous pouvons baisser les bras. Mais même quand nous le faisons, Dieu ne nous abandonne pas. Il sourit et nous enseigne. C'est ce que fera Krishna dans le magnifique 2e chapitre de la Gita, que je présenterai plus tard!

Monday, December 10, 2012

Le Cours en Miracles: un gnosticisme contemporain

La voie gnostique du christianisme est, vous le savez, un thème récurrent dans mon blog (allez fouiller dans mes anciens articles pour apprendre ce que c'est). En effet, c'est cet aspect de la tradition chrétienne qui m'inspire le plus et c'est également cet aspect qui m'a amenée à m'intéresser et me passionner à la tradition védantique de l'hindouisme. Le védanta et le gnosticisme sont à mon avis des frères et sont des expressions différentes d'une réalité bien plus profonde que les cultures d'où ils ont émergé. C'est donc sans surprise que les textes que je cite le plus souvent sont les Upanishads, la Gita ainsi que les textes de Nag Hammadi. Ce sont toutefois de très vieux textes qui ne collent pas toujours à notre réalité, en particulier les textes gnostiques qui utilisent un langage assez hermétique. Heureusement, il existe un merveilleux livre, le Cours en Miracles, qui a réussi le tour de force de faire entrer le gnosticisme dans le 20e siècle.

Dans la famille des textes sacrés, le Cours en Miracles est un tout petit rejeton, ayant été mis sur papier dans les années 70. Celui-ci s'est toutefois rapidement imposé comme peut-être le plus important du 20e siècle. Comme tous les textes sacrés, il y a beaucoup trop de blabla qui se fait autour des supposées origines surnaturelles du texte. La plupart des textes qui parlent du Cours passent au moins le tiers du temps sur le sujet. Disons en gros que le Cours est né de la plume de Helen Shucman, une psychologue américaine d'origine juive, sur une période de plusieurs années. Elle prétend que c'est une Voix qui lui a dicté ce texte, voix qu'elle a associé au Christ. Fabulation ou véritable expérience mystique? Je m'en fout un peu et il se gaspille trop d'encre à mon avis sur ce débat. Voir mon post du 9 novembre 2010 pour savoir ce que j'en pense. J'assume une origine humaine mais inspirée et je prend le texte tel qu'il est et j'en tire ce qui est pertinent pour moi, point. Et il se trouve que c'est peut-être le texte spirituel que je lis le plus souvent et qui me procure le plus de réconfort dans les moments difficiles.

Helen Shucman
La première chose qui étonne du Cours en Miracles, c'est son format lui-même. Il est véritablement structuré comme un cours, avec un textel théorique, un livre d'exercices et un manuel pour enseignants. Mais il n'est pas destiné à être donné en tant que cours, avec élève et prof. Au contraire, il est destiné à un usage purement individuel où "élève" et "enseignant" sont les deux rôles que le lecteur est appelé à prendre, simultanément. Honnêtement, la section la plus intéressante à mon avis est le manuel pour enseignant et on peut même très bien commencer par là. Le livre d'exercices contient de très belles méditations et certaines des plus belles prière que j'ai pu lire dans ma vie. Quant au texte théorique, il est plus fastidieux, se répète beaucoup et demande un grand investissement intellectuel. Mais on ne peut nier que c'est ce texte qui met les bases de la pensée du Cours.

Mais le point le plus novateur du Cours en Miracles, c'est la théologie qu'elle propose, qui se situe à la croisée du christianisme classique, du gnosticisme, du védanta et de la psychodynamique. Le Cours est fondamentalement non-dualiste, c'est à dire qu'il n'admet qu'une seule Réalité, Dieu, et enseigne que toute apparence qu'il y a "plusieurs choses séparées" est une illusion.

Rien de réel ne peut être menacé.
Rien d'irréel n'existe.
En cela réside la paix de Dieu.


- Un Cours en Miracles

Le but de la quête spirituelle est de réaliser cet état de fait. Comme chez les gnostiques, le Cours voit Jésus comme un sauveur qui est venu nous pointer cette illusion, cette erreur, ainsi que le chemin pour s'en sortir.

Le nom de Jésus est le nom de quelqu'un qui était un homme mais qui a vu la face du Christ en tous ses frères et s'est souvenu de Dieu. Ainsi il s'est identifié au Christ, non plus un homme mais ne faisant qu'un avec Dieu. L'homme était une illusion, car il semblait être un être séparé qui marchait seul à l'intérieur d'un corps qui paraissait garder son soi loin du Soi, comme le font toutes les illusions. Or qui peut sauver à moins de voir les illusions puis de les identifier comme ce qu'elles sont ? Jésus demeure un Sauveur parce qu'il a vu le faux sans l'accepter pour vrai. Et le Christ avait besoin de sa forme pour apparaître aux hommes et les sauver de leurs propres illusions. (...) Est-il le Christ ? Oh oui, avec toi. Sa petite vie sur terre n'a pas suffit pour enseigner la puissante leçon qu'il a apprise pour vous tous. Il restera avec toi pour te conduire de l'enfer que tu as fait jusqu'à Dieu. Et quand tu joindras ta volonté à la sienne, ta vue sera sa vision, car les yeux du Christ sont partagés.

- Un Cours en Miracle

Et comme chez les gnostiques, cette erreur est personnalisée sous la forme de notre propre égo qui veut se substituer à Dieu dans notre esprit. Mais où l'hindouisme et le bouddhisme insistent sur la nécessité de la méditation pour atteindre la libération, et là où le gnosticisme insiste sur une connaissance ésotérique, le Cours insiste sur ce qui est la base de tout le christianisme: notre relations avec nos frères et soeurs humains. Et pour ce faire, il emploie une terminologie chrétienne, proche de celle de l'évangile de Jean, mais en redéfinissant radicalement le sens.

Nous voyons trop souvent nos frères comme des êtres séparés de nous, nous les limitions à leur corps, nous nous formons des jugements sur ceux, nous développons de la rancune, nous les voyons comme pécheurs, nous les utilisons pour nos petits besoins, nous craignons qu'il nous trahissent, etc. Comment réaliser l'unité dans ces conditions, alors que nous devrions voir Dieu en eux?

De la connaissance et de la perception respectivement surgissent deux systèmes de pensée distincts qui sont à tous égards l'opposé l'un de l'autre. Dans le champ de la connaissance, aucune idée n'existe à part de Dieu, car Dieu et Sa Création partagent une même Volonté. Toutefois, le monde de la perception est fait par la croyance en des opposés et en des volontés séparées qui sont en conflit perpétuel les unes avec les autres ainsi qu'avec Dieu. Ce que la perception voit et entend paraît être réel parce qu'elle ne laisse monter à la conscience que ce qui est conforme aux souhaits de celui qui perçoit. Cela mène à un monde d'illusions, un monde qui a constamment besoin de défenses précisément parce qu'il n'est pas réel.

- Un Cours en Miracles

De plus, comme le Cours nous dis, tout ces aspects conflictuels des relation humaines sont une projection extérieure de tout le malaise qui nous habite intérieurement, dans notre relation envers nous-mêmes.

Le monde que nous voyons ne fait que refléter notre propre cadre de référence intérieur — les idées dominantes, les souhaits et les émotions dans nos esprits. «La projection fait la perception » (Texte, p. 266,477). Nous regardons d'abord au-dedans, et nous décidons quel genre de monde nous voulons voir, puis nous projetons ce monde à l'extérieur, faisant de lui la vérité telle que nous la voyons. Ce qui le rend vrai, ce sont les interprétations que nous donnons de ce que nous voyons. Si nous utilisons la perception pour justifier nos propres erreurs — notre colère, nos impulsions à attaquer, notre manque d'amour sous n'importe quelle forme —, nous verrons un monde de mal, de destruction, de malice, d'envie et de désespoir.
 

- Un Cours en Miracles

C'est donc en guérissant nos relations brisées avec les autres et nous même et en les confiant au Saint-Esprit que nous réaliserons l'unité fondamentale de la réalité. C'est cette guérison spirituelle et psychologique qui est le Miracle. Et cette guérison passe par le pardon, auquel le Cours accorde une énorme importance.

 Le pardon est le moyen par lequel nous nous souviendrons. Par le pardon, la façon de penser du monde est renversée. Le monde pardonné devient la porte du Ciel, parce que sa miséricorde nous permet enfin de nous pardonner. Ne tenant personne prisonnier de la culpabilité, nous devenons libres. Reconnaissant le Christ en tous nos frères, nous reconnaissons Sa Présence en nous-mêmes. Oubliant toutes nos malperceptions, et sans rien du passé qui puisse nous retenir, nous pouvons nous souvenir de Dieu. Au- delà de cela, l'apprentissage ne peut aller. Quand nous sommes prêts, Dieu Lui-même fait le dernier pas de notre retour vers Lui.

- Un Cours en Miracles

Mais encore, le Cours a sa propre définition du pardon. Le véritable pardon, ce n'est pas de pardonner en ayant en arrière pensée que la personne a péché. C'est de pardonner en reconnaissant que le péché est une illusion. C'est ce point précis qui choque beaucoup de lecteurs du Cours, mais moi je m'y retrouve énormément. Dérangent aussi la vision parfois assez blanc-noir que le cours présente du monde et de l'être humain, qui semble contradictoire à son messages non-dualistes. Mais fondamentalement, le message central du Cours en est un d'amour, de liberté et de responsabilité individuelle. Un message qui a trouvé une énorme résonance en moi.


Wednesday, November 28, 2012

Prends-toi comme point de départ

 Superbe citation sur laquelle je suis tombée hier en lisant le livre The Gnostic Gospels de Elaine Pagels. J'ai cherché partout pour un traduction française, sans succès. Innacceptable! Alors voici ma tentative d'en faire une...

"Abandonne ta recherche de Dieu et de la création et de toutes ces choses-là. Cherche-le plutôt en te prenant toi-même comme point de départ. Apprends qui est celui qui en toi s'approprie toutes choses et dit: "mon dieu, mon esprit, mes pensées, mon âme, mon corps". Apprends les sources de la tristesse et de la joie, de l'amour et de la haine. Apprends comment on peu regarder sans vraiment le vouloir, se reposer sans vraiment le vouloir, se fâcher sans vraiment le vouloir, aimer sans vraiment le vouloir. Si tu t'interroges sérieusement sur ces choses, tu le trouverasen toi-même."

- Monoimus

On sait très peu de choses sur Monoimus, à part qu'il était arabe et qu'il a vécu au 2e siècle. En fait, on ne connait ses paroles qu'à travers les oeuvres des hérésiologistes chrétiens de l'époque. On ne sait même pas vraiment quelle était sa religion. On l'a dit inspiré de la pensée grecque et chrétienne gnostique, mais je ne serais pas surprise que cet homme soit entré en contact avec des voyageurs venant de l'orient!



Saturday, September 29, 2012

Jacob face à Dieu

Jacob volant le droit d'ainesse de Esau
Voici un de mes passages favoris de la Bible juive. Mise en contexte: Jacob est l'un des deux fils jumeaux de Isaac, qui lui même était le fils d'Abraham. L'autre frère, Esau, était né quelques minutes avant et avait donc par principe certains droits d'aînesse. Mais Jacob était le favori de sa mère, et avec son aide et par une série de stratagèmes douteux (du vol d'identité et de l'escroquerie entre autres) il prend les droits d'aînesse de son frère. Franchement, quand je lis cette histoire, j'ai bien de la pitié pour ce pauvre Ésau que l'histoire a voulu faire passer pour un pas fin, mais qui dans le fond n'était qu'un pauvre bougre qui ne prenait pas toujours le temps de réfléchir ses décisions.

Sentant que Ésau va probablement le tuer à cause de toute cette histoire, Jacob fuit dans un pays lointain où il est accueilli par son oncle Laban, propriétaire d'un grand troupeau. Au fil des ans, Jacob gagne la confiancede celui-ci et finit même par marier ses deux filles, Léa et Rachel. Jacob acquiert lui même de grands troupeaux qui sont les plus productifs et en santé de la région.  Jusqu'à maintenant dans cette histoire, Jacob nous paraît comme une homme extrêmement obstiné, qui semble pouvoir obtenir tout ce qu'il désire, en fait qui croit que tout lui est dû. "Je contrôle ma vie!" se dit-il sûrement.

Mais éventuellement, les fils de Laban deviennent jaloux de lui et le voilà forcé de fuir pour retourner dans le pays de son père. Mais pour ce faire, il devra faire face à son frère. Des hommes qu'il avait envoyé en éclaireurs lui disent que Ésau arrive avec 400 hommes, il qu'ils seront là le lendemain.

Jacob panique. Jacob a de toute évidence des remords face à ses agissements de jeunesse, et il a peur. Il fait tout de suite des plans pour séparer ses troupeaux et ses hommes en deux groupes, pour qu'un puisse fuir quand Ésau attaquera. Puis il prépare toute une mise en scène pour adoucir son frère (s'incliner devant lui,  s'excuser, lui donner des cadeaux, etc.) Malgré tout ces plans, il risque fort de tout perdre ce pour quoi il a travaillé, et c'est une nuit très longue et mouvementée qui l'attend. Une nuit qui marquera profondément sa vie et qui définira même, d'une certaine façon, le destin de sa descendance, le peuple juif.

Au cours de la nuit, Jacob se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants. Il leur fit traverser le gué du Yabboq avec tout ce qu'il possédait. Il resta seul, et quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'aurore. Quand l'adversaire vit qu'il ne pouvait pas vaincre Jacob dans cette lutte, il le frappa à l'articulation de la hanche, et celle-ci se déboîta. Il dit alors : « Laisse-moi partir, car voici l'aurore. » — « Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas », répliqua Jacob. L'autre demanda : « Comment t'appelles-tu ? » — « Jacob », répondit-il. L'autre reprit : « On ne t'appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté contre Dieu et contre des hommes, et tu as été le plus fort. » Jacob demanda : « Dis-moi donc quel est ton nom. » — « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? » répondit-il. Là même, il fit ses adieux à Jacob. Celui-ci déclara : « J'ai vu Dieu face à face et je suis encore en vie. » C'est pourquoi il nomma cet endroit Penouel — ce qui veut dire “Face de Dieu” —. Quand le soleil se leva, Jacob passa le gué de Penouel. Il boitait à cause de sa hanche. Aujourd'hui encore les Israélites ne mangent pas le muscle de la cuisse qui est à l'articulation de la hanche, parce que Jacob a été blessé à ce muscle. 
- Genèse 32

Voilà un épisode très étrange. Les détails sont très partiellement relatés, avec quelques éléments qui semblent contradictoires. Comme si Jacob avait écrit lui-même ce qu'il avait vécu dans une expérience à la limite du rêve. Qui était cet étranger? Était-ce vraiment Dieu qui passait par là? Pourquoi s'est-il battu contre-lui, pour ensuite vouloir sa bénédiction? L'idée ici n'est probablement pas de comprendre précisément ce qui s'est passé, mais plutôt d'en ressentir l'essence même. Au plus profond de la nuit de sa vie, Jacob a fait face à ses peurs, ses erreurs, ses regrets. Devant lui se tenait un lendemain où il risquait de tout perdre ce pour quoi il avait travaillé tout sa vie, un lendemain où son passé le rattraperait. Et au plus profond de la nuit de sa vie Jacob a mis cartes sur table avec Dieu, comme si c'était sa dernière chance de le faire. 

L'expérience fut-elle physique ou psychique? Peu importe. Ce qu'on sait avec certitude, c'est que Jacob est ressorti de cette nuit transformé. Blessé certes, peut-être pour le reste de sa vie, mais vainqueur. Il n'aura aucun nom à mettre sur l'expérience qu'il a vécue, mais celle-ci lui en aura laissé un: Israël, celui qui lutte avec Dieu. Ce nom sera également celui porté par toute la multitude de sa descendance, le nom le plus approprié qui soit quand on connait les traversées du désert que vivra le peuple juif.

Ce que Jacob a vécu, c'est ce qu'on appelle souvent aujourd'hui "faire la paix avec Dieu". Il a arrêté de vouloir tout posséder, tout contrôler sa vie, de vouloir être le gagnant. Il a lâché son obstination s'en est remis à Dieu et lui a demandé sa bénédiction. Alors Dieu est entré dans l'âme de Jacob et l'a travaillée, applanie, pour le préparer à ce qui allait se produire le lendemain. Jacob nomma cet endroit Pénouel, car il avait vu la Face de Dieu. Mais quelle est la Face de Dieu? À quoi ressemble-t-elle? Les événement du lendemain vont nous le révéler.

Quand Jacob s'est réveillé ce matin là, il était prêt à faire face à son frère. Mais quelque chose me dit qu'il n'y allait plus avec la peur, mais avec l'espoir...


Jacob leva les yeux et vit qu'Esaü arrivait, ayant avec lui quatre cents hommes. Il répartit les enfants entre Léa, Rachel et les deux servantes. Il mit en tête les servantes et leurs enfants, puis Léa et ses enfants, puis Rachel et Joseph. Lui-même passa devant eux et se prosterna sept fois à terre jusqu'à ce qu'il se fût approché de son frère. Esaü courut à sa rencontre, l'étreignit, se jeta à son cou et l'embrassa ; ils pleurèrent. Puis Esaü leva les yeux et vit les femmes et les enfants. Il dit : « Qui as-tu là ? » — « Les enfants que Dieu a accordés à ton serviteur », répondit Jacob. Les servantes s'approchèrent, elles et leurs enfants, puis se prosternèrent. Léa s'approcha aussi avec ses enfants, ils se prosternèrent. Puis Joseph s'approcha avec Rachel et ils se prosternèrent aussi.

Esaü dit : « Qu'as-tu à faire avec tout ce camp que j'ai croisé ? » — « Je voulais trouver grâce aux yeux de mon seigneur », répondit Jacob. Esaü reprit : « J'ai amplement pour moi, mon frère ; que ce qui est à toi reste à toi ! » Jacob s'écria : « Non, je t'en prie ! Si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, tu accepteras de ma main mon présent. En effet, puisque j'ai vu ta face comme on voit la face de Dieu et que tu m'as agréé, reçois donc de moi le bienfait qui t'a été apporté, car c'est Dieu qui m'en a gratifié ; j'ai tout à moi. »
- Genèse 33

Voici donc quelle est la Face de Dieu: ce n'est nulle autre que le visage de celui qu'on croyait perdu, de celui qu'on croyait haïr, de celui dont ont avait peur qu'il nous rejette à nouveau... c'est le visage de celui qu'on croyait son ennemi et qui maintenant est traversé des larmes de la réconciliation. 

Au diable les eaux qui se séparent, les guérisons et autres résurections. Je crois qu'on a ici la plus belle histoire de miracle de la Bible.




Friday, September 28, 2012

Évangile de Thomas: le Royaume est semblable à une cruche...

Jésus a dit :
« Le royaume du Père est semblable à une femme qui portait une cruche remplie de farine et marchait longuement sur la route. L’anse de la cruche s’étant brisé, la farine se déversa derrière elle sur la route. Comme elle ne le savait pas, elle ne s’en affligea point. Arrivée à la maison, elle posa la cruche par terre et la trouva vide. »

Cette petite parabole ne se trouve pas dans les évangiles canoniques. Comme toutes la paraboles, c'est une petite histoire tout simple mais étonnante, utilisant un contexte tiré du quotidien des paysan, qui nous est racontée pour illustrer une des multiples facette de ce qu'est le Royaume.

Et de quel facette est-il question ici? À chacun son interprétation, mais moi j'y vois un Royaume tout près de nous, mais qu'on ne voit pas parce qu'on regarde toujours en avant, dans la même direction. La vie passe ainsi jusqu'à ce que notre cruche soit vide. On regrette alors de ne pas s'être arrêté un peu en chemin pour se réparer un peu!

Cette parabole illustre l'urgence de vivre et de trouver le Royaume, avant d'avoir tout gaspillé...