Saturday, September 29, 2012

Jacob face à Dieu

Jacob volant le droit d'ainesse de Esau
Voici un de mes passages favoris de la Bible juive. Mise en contexte: Jacob est l'un des deux fils jumeaux de Isaac, qui lui même était le fils d'Abraham. L'autre frère, Esau, était né quelques minutes avant et avait donc par principe certains droits d'aînesse. Mais Jacob était le favori de sa mère, et avec son aide et par une série de stratagèmes douteux (du vol d'identité et de l'escroquerie entre autres) il prend les droits d'aînesse de son frère. Franchement, quand je lis cette histoire, j'ai bien de la pitié pour ce pauvre Ésau que l'histoire a voulu faire passer pour un pas fin, mais qui dans le fond n'était qu'un pauvre bougre qui ne prenait pas toujours le temps de réfléchir ses décisions.

Sentant que Ésau va probablement le tuer à cause de toute cette histoire, Jacob fuit dans un pays lointain où il est accueilli par son oncle Laban, propriétaire d'un grand troupeau. Au fil des ans, Jacob gagne la confiancede celui-ci et finit même par marier ses deux filles, Léa et Rachel. Jacob acquiert lui même de grands troupeaux qui sont les plus productifs et en santé de la région.  Jusqu'à maintenant dans cette histoire, Jacob nous paraît comme une homme extrêmement obstiné, qui semble pouvoir obtenir tout ce qu'il désire, en fait qui croit que tout lui est dû. "Je contrôle ma vie!" se dit-il sûrement.

Mais éventuellement, les fils de Laban deviennent jaloux de lui et le voilà forcé de fuir pour retourner dans le pays de son père. Mais pour ce faire, il devra faire face à son frère. Des hommes qu'il avait envoyé en éclaireurs lui disent que Ésau arrive avec 400 hommes, il qu'ils seront là le lendemain.

Jacob panique. Jacob a de toute évidence des remords face à ses agissements de jeunesse, et il a peur. Il fait tout de suite des plans pour séparer ses troupeaux et ses hommes en deux groupes, pour qu'un puisse fuir quand Ésau attaquera. Puis il prépare toute une mise en scène pour adoucir son frère (s'incliner devant lui,  s'excuser, lui donner des cadeaux, etc.) Malgré tout ces plans, il risque fort de tout perdre ce pour quoi il a travaillé, et c'est une nuit très longue et mouvementée qui l'attend. Une nuit qui marquera profondément sa vie et qui définira même, d'une certaine façon, le destin de sa descendance, le peuple juif.

Au cours de la nuit, Jacob se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants. Il leur fit traverser le gué du Yabboq avec tout ce qu'il possédait. Il resta seul, et quelqu'un lutta avec lui jusqu'à l'aurore. Quand l'adversaire vit qu'il ne pouvait pas vaincre Jacob dans cette lutte, il le frappa à l'articulation de la hanche, et celle-ci se déboîta. Il dit alors : « Laisse-moi partir, car voici l'aurore. » — « Je ne te laisserai pas partir si tu ne me bénis pas », répliqua Jacob. L'autre demanda : « Comment t'appelles-tu ? » — « Jacob », répondit-il. L'autre reprit : « On ne t'appellera plus Jacob mais Israël, car tu as lutté contre Dieu et contre des hommes, et tu as été le plus fort. » Jacob demanda : « Dis-moi donc quel est ton nom. » — « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? » répondit-il. Là même, il fit ses adieux à Jacob. Celui-ci déclara : « J'ai vu Dieu face à face et je suis encore en vie. » C'est pourquoi il nomma cet endroit Penouel — ce qui veut dire “Face de Dieu” —. Quand le soleil se leva, Jacob passa le gué de Penouel. Il boitait à cause de sa hanche. Aujourd'hui encore les Israélites ne mangent pas le muscle de la cuisse qui est à l'articulation de la hanche, parce que Jacob a été blessé à ce muscle. 
- Genèse 32

Voilà un épisode très étrange. Les détails sont très partiellement relatés, avec quelques éléments qui semblent contradictoires. Comme si Jacob avait écrit lui-même ce qu'il avait vécu dans une expérience à la limite du rêve. Qui était cet étranger? Était-ce vraiment Dieu qui passait par là? Pourquoi s'est-il battu contre-lui, pour ensuite vouloir sa bénédiction? L'idée ici n'est probablement pas de comprendre précisément ce qui s'est passé, mais plutôt d'en ressentir l'essence même. Au plus profond de la nuit de sa vie, Jacob a fait face à ses peurs, ses erreurs, ses regrets. Devant lui se tenait un lendemain où il risquait de tout perdre ce pour quoi il avait travaillé tout sa vie, un lendemain où son passé le rattraperait. Et au plus profond de la nuit de sa vie Jacob a mis cartes sur table avec Dieu, comme si c'était sa dernière chance de le faire. 

L'expérience fut-elle physique ou psychique? Peu importe. Ce qu'on sait avec certitude, c'est que Jacob est ressorti de cette nuit transformé. Blessé certes, peut-être pour le reste de sa vie, mais vainqueur. Il n'aura aucun nom à mettre sur l'expérience qu'il a vécue, mais celle-ci lui en aura laissé un: Israël, celui qui lutte avec Dieu. Ce nom sera également celui porté par toute la multitude de sa descendance, le nom le plus approprié qui soit quand on connait les traversées du désert que vivra le peuple juif.

Ce que Jacob a vécu, c'est ce qu'on appelle souvent aujourd'hui "faire la paix avec Dieu". Il a arrêté de vouloir tout posséder, tout contrôler sa vie, de vouloir être le gagnant. Il a lâché son obstination s'en est remis à Dieu et lui a demandé sa bénédiction. Alors Dieu est entré dans l'âme de Jacob et l'a travaillée, applanie, pour le préparer à ce qui allait se produire le lendemain. Jacob nomma cet endroit Pénouel, car il avait vu la Face de Dieu. Mais quelle est la Face de Dieu? À quoi ressemble-t-elle? Les événement du lendemain vont nous le révéler.

Quand Jacob s'est réveillé ce matin là, il était prêt à faire face à son frère. Mais quelque chose me dit qu'il n'y allait plus avec la peur, mais avec l'espoir...


Jacob leva les yeux et vit qu'Esaü arrivait, ayant avec lui quatre cents hommes. Il répartit les enfants entre Léa, Rachel et les deux servantes. Il mit en tête les servantes et leurs enfants, puis Léa et ses enfants, puis Rachel et Joseph. Lui-même passa devant eux et se prosterna sept fois à terre jusqu'à ce qu'il se fût approché de son frère. Esaü courut à sa rencontre, l'étreignit, se jeta à son cou et l'embrassa ; ils pleurèrent. Puis Esaü leva les yeux et vit les femmes et les enfants. Il dit : « Qui as-tu là ? » — « Les enfants que Dieu a accordés à ton serviteur », répondit Jacob. Les servantes s'approchèrent, elles et leurs enfants, puis se prosternèrent. Léa s'approcha aussi avec ses enfants, ils se prosternèrent. Puis Joseph s'approcha avec Rachel et ils se prosternèrent aussi.

Esaü dit : « Qu'as-tu à faire avec tout ce camp que j'ai croisé ? » — « Je voulais trouver grâce aux yeux de mon seigneur », répondit Jacob. Esaü reprit : « J'ai amplement pour moi, mon frère ; que ce qui est à toi reste à toi ! » Jacob s'écria : « Non, je t'en prie ! Si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, tu accepteras de ma main mon présent. En effet, puisque j'ai vu ta face comme on voit la face de Dieu et que tu m'as agréé, reçois donc de moi le bienfait qui t'a été apporté, car c'est Dieu qui m'en a gratifié ; j'ai tout à moi. »
- Genèse 33

Voici donc quelle est la Face de Dieu: ce n'est nulle autre que le visage de celui qu'on croyait perdu, de celui qu'on croyait haïr, de celui dont ont avait peur qu'il nous rejette à nouveau... c'est le visage de celui qu'on croyait son ennemi et qui maintenant est traversé des larmes de la réconciliation. 

Au diable les eaux qui se séparent, les guérisons et autres résurections. Je crois qu'on a ici la plus belle histoire de miracle de la Bible.




Friday, September 28, 2012

Évangile de Thomas: le Royaume est semblable à une cruche...

Jésus a dit :
« Le royaume du Père est semblable à une femme qui portait une cruche remplie de farine et marchait longuement sur la route. L’anse de la cruche s’étant brisé, la farine se déversa derrière elle sur la route. Comme elle ne le savait pas, elle ne s’en affligea point. Arrivée à la maison, elle posa la cruche par terre et la trouva vide. »

Cette petite parabole ne se trouve pas dans les évangiles canoniques. Comme toutes la paraboles, c'est une petite histoire tout simple mais étonnante, utilisant un contexte tiré du quotidien des paysan, qui nous est racontée pour illustrer une des multiples facette de ce qu'est le Royaume.

Et de quel facette est-il question ici? À chacun son interprétation, mais moi j'y vois un Royaume tout près de nous, mais qu'on ne voit pas parce qu'on regarde toujours en avant, dans la même direction. La vie passe ainsi jusqu'à ce que notre cruche soit vide. On regrette alors de ne pas s'être arrêté un peu en chemin pour se réparer un peu!

Cette parabole illustre l'urgence de vivre et de trouver le Royaume, avant d'avoir tout gaspillé...