Saturday, October 23, 2010

Évangile de Thomas: l'histoire

Il n'y a rien de caché qui ne sera dévoilé.
- Évangile de Thomas, 5

Je sais que ca ne devrait pas, mais je reste toujours étonnée quand je parle avec des amis chrétiens et qu’ils ne connaissent pas l’Évangile de Thomas. C’est que pour moi ce texte a une telle importance qu’on dirait que je le prends comme acquis. Pourtant, ca ne fait que 65 ans qu’il a été redécouvert, et ca ne fait que 10-20 ans qu’on en parle dans les ouvrages grand public...

Alors voilà, l’histoire commence avec les hérésiologistes de l’église primitive, comme Origène et Irénée, qui décident de fixer le canon scriptural ainsi que la doctrine de la religion chrétienne naissante. Leur textes condamnent de nombreux mouvement et de nombreux textes, dont entre autres des évangiles, des actes d’apôtres, des apocalypses… La décision étant prise de s’en tenir à quatre évangiles (nombre très symbolique), les autres sont rapidement éliminés de la circulation. C’est pourquoi de nombreux évangiles mentionnés dans les écrits de l’époque disparaissent à ce moment-là : Évangile de Thomas, Évangile des Ébionites, Évangiles des Nazoréens, Évangile de Judas, Évangile des Hébreux, etc.

Faisons marche avant jusqu’à la fin du 19e siècle, où l’on découvre à Oxyrhynchus, en Égypte, un papyrus, écrit en grec et très endommagé, contenant des paroles inédites de Jésus. Le document est très fragmentaire et sa découverte se fait dans l’indifférence générale du public. Mais la curiosité des spécialiste est sérieusement piquée!

Les manuscrits de Nag Hammadi
En 1945, un jeune homme de Nag Hammadi, encore en Égypte, découvre dans une caverne des jarres remplies de vieux manuscrits. Il les rapporte à la maison où sa mère commence à s’en servir pour nourrir le feu de la cuisine. Heureusement le jeune homme réalise l’importance de sa découverte et donne les manuscrits à un prêtre, qui les donne à un revendeur, qui est ensuite saisi par les autorités égyptiennes. Les papiers tombent enfin dans les mains des spécialistes qui n’en reviennent pas : il s’agit ici d’une bibliothèque entière de textes reliés au mouvement gnostique, une secte chrétienne disparue depuis la fin du 4e siècle! On y trouve là des dizaines de textes d’une très grande richesse littéraire, écrits en copte.

Les gnostiques qui ont réunis ces textes faisaient partie de la frange plus mystique du christianisme naissant. Disons que pour eux, le monde physique était une illusion créée par un faux dieu, et que la vérité se trouvait à l’intérieur de l’individu. Alors seulement par la gnosis, la connaissance de soi, et la sophia, la sagesse divine, l’être humain pouvait retourner à l’état originel d’unité avec le Divin. Cette idée pourtant très simple et universelle était toutefois camouflée, chez les gnostiques, par un langage ésotérique, une cosmogonie très compliquée et des rituels initiatiques réservés à une élite peu nombreuse. Peu étonnant qu’ils aient été chassés comme la peste par l’église de Rome.

L'apôtre Thomas dans la scène bien connue
La plupart des textes de Nag Hammadi sont très compliqués, voire indéchiffrables. Pourtant, il y en a un là dedans qui semble être un intrus et qui a eu tôt fait d’enflammer la passion des traducteurs. En effet, on venait de découvrir la version complète de l’évangile d’Oxyrhynchus! Attribué à Thomas Didyme, l’apôtre sceptique ici élevé au rang de jumeau spirituel du Christ, cet évangile ne suit pas la formule habituelle des quatre évangiles canoniques. Ici, pas de récit, pas de miracles, pas de crucifiction ni de résurrection. Seulement 114 paroles de Jésus, rassemblées un peu dans le désordre.

Sur ces 114 paroles, ou logions comme on les appelle souvent, la plupart sont des versions alternatives des paroles et paraboles que nous connaissons tous. Le style est plus archaique et oral que dans les évangiles canonique, ce qui fait penser à plusieurs que l’Évangile de Thomas leur serait antérieur. Mais à travers le terrain connu se trouvent des paroles inédite qui sont étonnantes, voire même déroutantes, pour nous qui croyions tout connaître de Jésus.

Car ici Jésus parle du Royaume comme étant à l’intérieur de chaque être humain et accessible par là connaissance de soi-même. Jésus parle du Royaume comme du lieu où toutes les dualités du monde matériel perdent leur sens. Jésus, en fait, parle du Royaume comme étant l’état d’une personne qui a réalisé son unité avec Dieu et la création. On ne se demande pas pourquoi ce texte a été mis à l’index! Encore aujourd’hui, c’est du bout des lèvres qu’il est mentionné dans les églises, et bien rarement de manière positive. On le dénigre comme étant un écrit gnostique et tardif. Pourtant, en le lisant, on peut voir qu’il n’est pas bien différent en substance de l’évangile de Jean ou même des synoptiques (Marc, Matthieu et Luc). Il est tout à fait plausible que ces paroles soient bel et bien de Jésus. En fait, de plus en plus de chrétiens, moi incluse, l’ont intégré avec grande joie dans leur canon. Je fais le pari que dans les prochaines décénnies il prendra de plus en plus la place qu'il mérite!

Personnellement, cet évangile est indissociable de la vision que j’ai du Christ. Je dirais même qu’il est la raison de la renaissance de ma foi il y a plusieurs années. J’aurais l’occasion d’en reparler. Je partagerai dans les prochaines semaines des passages de cet évangile. Vous pourrez en juger de vous-mêmes!

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