Friday, December 21, 2012

Noël selon Luc

Nous avons vu la dernière fois le récit de la naissance de Jésus tel que raconté dans l'évangile de Matthieu. Souvenons-nous que Matthieu s'adressait à un public juif et avait grand souci de faire concorder Jésus avec les prophéties messianiques de la bible juive. Luc n'était pas juif. C'était un homme grec, probablement bien éduqué, très proche de la pensée de Paul. Son évangile s'adressait à la communauté grandissante des chrétiens non-juifs, et avait un soucis particulier pour l'universalisme, la justice sociale et la place des femmes dans l'église.

L'évangile de Luc commence avec un long prologue où il raconte l'histoire de Zacharie et Élizabeth et la conception miraculeuse de Jean-Baptiste. Mais rendons nous directement à la scène de l'annonciation.

Le sixième mois, Dieu envoya l'ange Gabriel dans une ville de Galilée, Nazareth, chez une jeune fille fiancée à un homme appelé Joseph. Celui-ci était un descendant du roi David ; le nom de la jeune fille était Marie. L'ange entra chez elle et lui dit : « Réjouis-toi ! Le Seigneur t'a accordé une grande faveur, il est avec toi. » Marie fut très troublée par ces mots ; elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L'ange lui dit alors : « N'aie pas peur, Marie, car tu as la faveur de Dieu. Bientôt tu seras enceinte, puis tu mettras au monde un fils que tu nommeras Jésus. Il sera grand et on l'appellera le Fils du Dieu très-haut. Le Seigneur Dieu fera de lui un roi, comme le fut David son ancêtre, et il régnera pour toujours sur le peuple d'Israël, son règne n'aura point de fin. » Marie dit à l'ange : « Comment cela sera-t-il possible, puisque je suis vierge ? » L'ange lui répondit : « Le Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Dieu très-haut te couvrira comme d'une ombre. C'est pourquoi on appellera saint et Fils de Dieu l'enfant qui doit naître. Élisabeth ta parente attend elle-même un fils, malgré son âge ; elle qu'on disait stérile en est maintenant à son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu. » Alors Marie dit : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi comme tu l'as dit. » Et l'ange la quitta.

Contrairement à Matthieu, c'est du point de vue de Marie qu'est vu cet épisode. Les femmes prennent beaucoup de place dans Luc. Pensons à Marthe et Marie et aux femmes riches qui dit-on, financaient les activité de Jésus. Cette scène est le fondement de toute la mariologie, c'est à dire, dans la foi catholique, de la réflexion sur le rôle de Marie dans le plan de rédemption de Dieu. Je ne m'étendrai pas ici dur tout ce débat entre catholiques et protestants, mais je pense que n'importe quel chrétiens peut admirer ici l'humilité inspirante de cette femme face à l'honneur énorme et le lourd fardeau qui lui sont donnés.

Notez aussi que le récit débute à Nazareth où on toujours vécu Marie et Joseph, contrairement à Matthieu qui les plaçait à Bethléem. Luc utilisera un autre raccourci pour rattacher Jésus au patelin de David.

Pendant sa grossesse, Marie ira visiter sa cousine Élizabeth qui est enceinte de Jean. Il est peu probable que Jésus et Jean aient été parents. Vous savez, Jean à son époque a été un prophète beaucoup plus connu et reconnu que Jésus, et il est beaucoup plus mentionné dans les lives d'histoire de l'époque. On s'accorde pour dire que le Jean historique n'a probablement pas annoncé la messianité de Jésus et qu'il y a eu une sérieux conflit entre les disciples de Jean et de Jésus. D'ailleurs, la religion mandéenne, qui se dit héritière des disciples de Jean, considère Jésus comme un faux prophète. En fait, les historiens croient que Jésus a été un disciple de Jean d'abord puis qu'il l'a quitté pour faire ses propres choses. Les premiers chrétiens ont eu de la difficulté a accepter le fait que le messie ait eu un gourou, et ont donc mis dans les évangiles des explications pour résoudre ce problème.

Dans l'épisode de la visite à Élizabeth, Marie proconce cette célèbre et très belle prière, le Magnificat:

Marie dit alors :
« De tout mon être je veux dire la grandeur du Seigneur,
mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon Sauveur ; car il a bien voulu abaisser son regard sur moi, son humble servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
car Dieu le Tout-Puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint,
il est plein de bonté en tout temps pour ceux qui le respectent. Il a montré son pouvoir en déployant sa force :
il a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,
il a renversé les rois de leurs trônes
et il a placé les humbles au premier rang.
Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
Il est venu en aide au peuple d'Israël, son serviteur :
il n'a pas oublié de manifester sa bonté
envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l'avait promis à nos ancêtres. » 

Cette prière donne le ton de tout l'évangile et on peut se douter qu'il n'y aura pas d'or ou de rois-mages qui viendront visiter Jésus ici!


En ce temps-là, l'empereur Auguste donna l'ordre de recenser tous les habitants de l'empire romain. Ce recensement, le premier, eut lieu alors que Quirinius était gouverneur de la province de Syrie. Tout le monde allait se faire enregistrer, chacun dans sa ville d'origine. Joseph lui aussi partit de Nazareth, un bourg de Galilée, pour se rendre en Judée, à Bethléem, où est né le roi David ; en effet, il était lui-même un descendant de David. Il alla s'y faire enregistrer avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Pendant qu'ils étaient à Bethléem, le jour de la naissance arriva. Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'abri destiné aux voyageurs.

Rappelons-nous que Luc doit encore expliquer à sa façon le mystère "Nazareth vs Bethléem". Il va tenter d'utiliser un événement historique, un recensement pour motif de taxes en Judée, pour envoyer Marie et Joseph dans la ville de David. Le problème, c'est que Luc utilise piètrement l'histoire. Le recencement de Quirinius était plutôt mineur et ne couvrait que la Judée et la Syrie, contrairement à Luc qui affirme qu'il couvrait tout l'Empire Romain. Et puis, cette pratique de devoir retourner au village de ses ancêtres n'est relevée par aucun historien de l'époque.

Jésus nait  dans une crèche, c'est à dire une mangeoire pour animaux. Cette mangeoire aurait pu être placée n'importe où, y compris dehors. L'étable, le boeuf et l'âne sont des inventions non-bibliques. Évidemment, il y là un grand contraste avec le petit Jésus couvert d'or de Matthieu. Luc avait un grand souci des pauvres et des exclus, bien plus qu'un souci de lignée davidique.
Dans cette même région, il y avait des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leur troupeau. Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur les entoura de lumière. Ils eurent alors très peur. Mais l'ange leur dit : « N'ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un Sauveur ; c'est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître : vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. »
Tout à coup, il y eut avec l'ange une troupe nombreuse d'anges du ciel, qui louaient Dieu en disant :
« Gloire à Dieu dans les cieux très hauts,
et paix sur la terre pour ceux qu'il aime ! »



Tout ce passage est du pur Luc. Encore une fois, ce sont de pauvres bergers plutôt que de riches prêtres qui sont les premiers à recevoir l'annonce de la naissance du messie. Et pas seulement ça, le chants de anges a un portée universaliste et promet la paix à toute la terre! Soit dit en passant, certaines vieilles traductions disent "paix aux hommes de bonne volonté"... c'est une erreur de traduction médiévale qui a pris bien du temps à être corrigée!

Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons donc jusqu'à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils se dépêchèrent d'y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche. Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l'ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. Tous ceux qui entendirent les bergers furent étonnés de ce qu'ils leur disaient. Quant à Marie, elle gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondément. Puis les bergers prirent le chemin du retour. Ils célébraient la grandeur de Dieu et le louaient pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, car tout s'était passé comme l'ange le leur avait annoncé.

Le huitième jour après la naissance, le moment vint de circoncire l'enfant ; on lui donna le nom de Jésus, nom que l'ange avait indiqué avant que sa mère devienne enceinte.


 Encore une fois, c'est le point de vue de Marie qui nous est donnée. "Marie gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondémenent." J'adore ce verset, et je crois que c'est le plus important à retenir en ce temps de Noel. Comme Marie, prenons le temps à Noel d'être étonnés à nouveau par cette belle histoire, et prenons le temps d'y réfléchir. Quel miracle en effet de voir, année après année, le Christ naître en nous à nouveau!

La prochaine fois, Noël selon Jacques!

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