Nachiketas et Yama |
Bien heureusement, le texte évite de donner une réponse facile et toute cuite dans le bec. La réponse, dont je présenterai quelques extraits, est très typique de la pensée hindoue, et peut sembler fort étrange aux oreilles occidentales...
Yama: Le Soi tout-connaissant est non-né, et impérissable. Il n'a pas d'origine, et n'a rien engendré. Il est non-né, sans âge, Il est très ancien et vivra jusqu'à la fin du temps, et Il n'est pas tué quand le corps est tué.
Si le tueur pense qu'il tue effectivement, et si la victime pense que son Soi est effectivement tué, l'un et l'autre témoignent d'une conception erronée. Le Soi ne donne pas la mort, le Soi ne meurt pas.
Le Soi, qui est plus subtil que toute subtilité et plus grand que toute grandeur, siège dans le cœur de toute créature. Celui qui a maîtrisé tous ses désirs peut contempler la gloire majestueuse du Soi à travers ses sens apaisés et son esprit pacifié, et il se libère dès lors de toute souffrance.
Demeurant assis, Il voyage au loin; demeurant immobile, Il se déplace partout. Qui donc, si ce n'est moi, peut connaître ce lumineux Atman qui tout à la fois se réjouit et demeure indifférent ?
L'homme sage, qui a réalisé la présence de l'incorporel Atman à l'intérieur de tout corps, et qu'Il est fermement établi en toute chose périssable, qu'Il est grand et tout-pénétrant, ne connaît plus le chagrin.
On n'atteint pas à l'Atman par l'étude des Védas, ni au moyen de l'intellect, ni à force d'écouter des enseignements. Seul l'aspirant sincère qui désire ardemment L'atteindre, peut Le trouver. À celui-là, l'Atman révélera de lui-même Sa nature authentique.
Nul ne peut atteindre à l'Atman, qui ne s'est pas abstenu de toute conduite négative, dont les sens ne sont pas maîtrisés, dont le mental n'est pas concentré et dont l'esprit n'est pas établi dans la paix. Car celui-ci ne peut se réaliser qu'au moyen de la connaissance par expérience directe de la Réalité.
Ce Soi – cet Atman pour lequel les Brahmanes et les Kshatriyas ne sont pour ainsi dire que des aliments, et la Mort un simple condiment – qui donc peut savoir où Il se trouve ?
- Katha Upanishad
La mort, un simple condiment? Cette phrase peut faire sursauter. Mais la Vie aurait-elle de la saveur sans renouvellement, sans évolution, sans recherche constante de mieux... sans la mort elle-même? Oui, parfois la mort semble à l'encontre de tout progrès, quand elle est gratuite et causée par la haine, et il faut travailler pour que cessent ces choses. Mais on ne peut nier que la mort est le moteur qui nourrit notre urgence de vivre.
L'Atman, le Soi, c'est en fait l'unique réalité derrière les apparences de multiplicité. C'est la conscience unique de l'Univers qui fait l'expérience de tout. C'est ce qui perçoit tout les phénomènes. Le mot atman a la même origine étymologique que le mot d'origine grec atmos, qui signifie l'air qui nous entoure. L'Atman, c'est le Souffle de Dieu qui pénètre chaque particule et qui donne vie. Dans la mythologie occidentale, c'est la ruah hébraique, l'Esprit de Dieu qui courrait sur les eaux primordiale aux début des temps et qui fut insufflé dans les narines d'Adam pour lui donner vie.
Et ce Soi, qui est notre réelle identité, ne meurt jamais. Quand un corps meurt, le Souffle qui s'y trouvait ne disparaît pas mais va plutôt rendre vie à une multitude de créatures naissantes. L'individu qui réalise qu'il n'est pas un petit moi, mais qu'il est en fait le Soi qui pénètre tout l'univers, est affranchi de la crainte de la mort. Et on y arrive en ayant un esprit apaisé, serein, libre de la souffrance causée par les désirs et les attachements.
Est-ce à dire que pour le Katha Upanishad Dieu n'a rien à faire de nos douleurs et de nos peurs par rapport à la mort? Et nos joies, les vit-il? Sommes-nous des poussières pour lui, trop éphémères pour qu'il nous remarque? Lui qui est l'Univers entier, se soucie-t-il de nos expériences individuelles? Le Katha utilise une phrase paradoxale pour exprimer ce mystère: "Qui donc peut connaître ce lumineux Atman qui tout à la fois se réjouit et demeure indifférent ?"
Mais moi je me dit, si Dieu se foutait vraiment de notre douleur face à la mort, pourquoi autait-il inspiré ce texte et des milliers d'autres, qui nous réconfortent et nous aident à la voir telle qu'elle est vraiment? Qu'on l'appelle Dieu, Atman ou Brahman, il nous appelle à se lever, à partir sa recherche et à le rejoindre dans l'Impérissable. Mais le Katha est clair, ce n'est pas seulement par l'étude des textes sacrés ou en faisant aller son intellect qu'on y arrivera, mais en le laissant se révéler en nous-même. Il nous tend la main, il faut l'aggriper, sincèrement!
Aspirant, lève-toi ! Éveille-toi ! Va trouver les plus grands maîtres et apprends auprès d'eux. Car ce sentier est aussi affûté que le fil du rasoir, périlleux, et difficile à traverser. C'est ce qu'affirment les sages.
Par la réalisation de l'Atman, dénué de sons, intangible, sans forme, sans changement ni décrépitude, sans saveur, éternel, inodore... par la réalisation de cet Atman qui est sans commencement ni fin, au-delà du monde matériel et parfaitement constant, l'homme se libère des mâchoires de la mort.
(...)
Et Nachiketas, ayant bénéficié de cet enseignement que lui communiqua Yama, le dieu de la Mort, mais aussi des instructions relatives au Yoga dans leur intégralité, parvint à Brahman, après avoir développé le parfait détachement et l'immortalité. Et il en fut et en sera ainsi de quiconque acquiert, de façon aussi accomplie, la connaissance du Soi intérieur.
Om ! Puisse-t-Il nous protéger tous deux, et nous dévoiler la nature de la Connaissance;
Puisse-t-Il nous nourrir tous deux des fruits de la Connaissance;
Puissions-nous conjointement atteindre à la force que confère la Connaissance,
Que notre étude nous apporte l'illumination;
Qu'il n'y ait aucune trace de haine en nous, ni entre nous !
Om ! Shanti ! Shanti ! Shanti !
Om ! Paix ! Paix ! Paix !
- Katha Upanishad
Thanks for sharing such a great article and it’s helpful for everyone. Great Post
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