Jésus a dit :
« Heureux l’homme qui a connu l’épreuve, car il a trouvé la Vie. »
- Évangile de Thomas, 58
Aujourd'hui je vous présente quelques textes sur le sujet des épreuves difficiles de la vie, et de la raison de leur existence. Bien entendu, le sujet et vaste et la littérature sur ce sujet est énorme: je me suis contenté d'en prendre quelques-uns, un trèèès connu, les autres très peu connus.
Et comment commencer sans citer le texte le plus connu sur le sujet, le livre de Job?
Or un jour que les anges de Dieu venaient faire leur rapport au Seigneur, le Satan, l'accusateur, se présenta parmi eux, lui aussi. Le Seigneur lui demanda : « D'où viens-tu donc ? » L'accusateur répondit au Seigneur : « Je viens de faire un tour sur terre. » — « Tu as sûrement remarqué mon serviteur Job, dit le Seigneur. Il n'a pas son pareil sur terre. C'est un homme irréprochable et droit ; il m'est fidèle et se tient à l'écart du mal. » — « Si Job t'est fidèle, répliqua l'accusateur, est-ce gratuitement ? Ne le protèges-tu pas de tous côtés, comme par une clôture, lui, sa famille et ses biens ? Tu as si bien favorisé ce qu'il a entrepris, que ses troupeaux sont répandus sur tout le pays. 11Mais si tu oses toucher à ce qu'il possède, il te maudira ouvertement ! » 12Le Seigneur dit à l'accusateur : « Eh bien, tu peux disposer de tout ce qu'il possède. Mais garde-toi de toucher à lui-même. » Alors l'accusateur se retira hors de la présence du Seigneur.
Un jour que les enfants de Job étaient occupés à manger et boire chez leur frère aîné, un messager arriva chez Job et lui dit : « Les bœufs étaient en train de labourer, et les ânesses se trouvaient au pré non loin de là, quand des Sabéens se sont précipités sur eux et les ont enlevés, passant tes domestiques au fil de l'épée. J'ai été le seul à m'échapper pour t'en avertir. »
Le premier messager n'avait pas fini de parler qu'un autre arriva pour annoncer : « La foudre est tombée du ciel sur les troupeaux de moutons et sur tes domestiques, et elle a tout consumé. J'ai été le seul à pouvoir m'échapper pour t'en avertir. »
Il n'avait pas fini de parler qu'un autre arriva pour annoncer : « Des Chaldéens ont formé trois bandes, qui se sont jetées sur les chameaux et les ont enlevés, passant tes domestiques au fil de l'épée. J'ai été le seul à pouvoir m'échapper pour t'en avertir. »
Il n'avait pas fini de parler qu'un autre arriva pour annoncer : « Tes enfants étaient occupés à manger et boire chez leur frère aîné, quand un ouragan survenant du désert a heurté violemment les quatre coins de la maison ; la maison s'est effondrée et les jeunes gens sont morts. J'ai été le seul à m'échapper pour t'en avertir. »
Alors Job se leva, il déchira son manteau, se rasa la tête et se jeta à terre, le front dans la poussière ; il déclara :
« Je suis sorti tout nu du ventre de ma mère,
je retournerai nu au ventre de la terre.
Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris.
Il faut continuer de remercier le Seigneur. »
Dans tous ces malheurs Job ne commit ainsi aucune faute ; il ne dit rien d'inconvenant contre Dieu.
Un jour que les anges de Dieu venaient faire leur rapport au Seigneur, l'accusateur se présenta parmi eux, lui aussi, pour son rapport. Le Seigneur lui demanda : « D'où viens-tu donc ? » L'accusateur répondit au Seigneur : « Je viens de faire un tour sur terre. » — « Tu as sûrement remarqué mon serviteur Job, dit le Seigneur. Il n'a pas son pareil sur terre. C'est un homme irréprochable et droit ; il m'est fidèle et se tient à l'écart du mal. Il est resté fermement irréprochable. C'est donc pour rien que tu m'as poussé à lui faire du tort. » — « Échange de bons procédés, répliqua l'accusateur : tout ce qu'un homme possède, il le donnera pour sauver sa peau. Mais si tu oses toucher à sa personne, il te maudira ouvertement ! » Le Seigneur dit à l'accusateur : « Eh bien, tu peux disposer de lui, mais non pas de sa vie. »
Alors l'accusateur se retira hors de la présence du Seigneur. Il frappa Job d'une méchante maladie de peau, depuis la plante des pieds jusqu'au sommet du crâne. Job s'assit au milieu du tas de cendres et ramassa un débris de poterie pour se gratter.
Sa femme lui dit : « Tu persistes à rester irréprochable. Mais tu ferais mieux de maudire Dieu et d'en mourir ! » — « Tu parles comme une femme privée de bon sens, lui répondit Job. Si nous acceptons de Dieu le bonheur, pourquoi refuserions-nous de lui le malheur ? » Dans cette nouvelle épreuve Job ne prononça aucun mot qui puisse offenser Dieu.
(...)
A la fin, Job se décida à parler et maudit le jour de sa naissance. Voici ce qu'il dit :
Ah ! que disparaisse le jour de ma naissance
et la nuit qui a dit : « Un garçon est conçu » !
Qu'on regarde ce jour comme l'un des plus sombres !
Que Dieu, là-haut, ne s'intéresse plus à lui !
Qu'aucune lumière ne vienne l'éclairer !
Que l'ombre la plus noire s'empare de lui
et qu'un nuage obscur s'abatte sur ce jour,
ou une terrifiante éclipse de soleil !
Quant à cette nuit-là, qu'elle soit la plus noire,
qu'on ne la compte plus dans le calendrier,
et qu'elle n'entre plus dans le calcul des mois !
Oui, que cette nuit-là reste toujours stérile
et qu'aucun cri de joie n'y pénètre jamais !
Qu'elle soit signalée comme portant malheur
par tous les magiciens qui maudissent les jours
et sont habiles à provoquer le grand dragon !
Qu'elle ne puisse voir l'étoile du matin !
Qu'elle espère le jour, mais qu'elle attende en vain
et n'aperçoive pas l'aurore qui s'éveille !
Car elle n'a rien fait pour m'empêcher de naître
et de voir aujourd'hui cette dure misère.
Pourquoi n'être pas mort dès avant ma naissance,
n'avoir pas expiré dès que j'ai vu le jour ?
- Livre de Job
Ce prologue de Job nous montre le problème même du mal: il atteint même les personnes les plus nobles. Parfois même, on dirait qu'il atteint surtout les personne les plus nobles. Ce prologue montre également jusqu'à quel point nous sommes capables d'endurer l'épreuve, mais qu'au bout du compte même les plus vertueux finissent par perdre leur sérénité... nous sommes humains, difficile d'y échapper.
La suite du poème est un échange entre Job et ses amis. Ceux-ci s'entêtent à dire qu'il a nécessairement offensé Dieu, volontairement ou pas, pour que ces malheur lui tombent sur la tête. Job proteste fermement, il clâme qu'il a toujours été pieux et que c'est une absurdité de le voir ainsi maltraité alors que les véritables méchants vivent dans l'opulence. Leur échange est l'expressions brute de tout le mystère de la souffrance, et par le fait même de tout le mystère de l'existence.
Mystère est le mot clé ici. Car une des mauvaises conceptions à propos du livre de Job, c'est de le lire en pensant qu'il contient la réponse à nos questionnements face au malheur. Or, il n'en est rien du tout! Ce livre n'apporte aucune réponse! Au contraire, il se termine avec Dieu qui surgit et qui, en gros, dit: "Qui est tu Job pour m'attribuer des intentions? As-tu la moindre idée de ce que c'est être Dieu?" Et notre Job de se repenir d'avoir osé mettre en doute Dieu... pour se voir ensuite redonner tout ce qu'il avait perdu. Fin étrange s'il en est une.
Est-ce un bien ou un mal d'être laissés sans réponse ainsi? L'absence de réponse dans Job est-il une faiblesse du lvire? Non, au contraire! Car certains des plus grands textes sacrés sont d'abord et avant tout des gros point d'interrogations qui ont suscité des siècles durant les discussions spirituelles les plus fertiles. Job en est un très bel exemple, en plus d'être un chef-d'oeuvre littéraire immanquable.
Maintenant, les textes moins connus...
Le premier provient du livre secret de Jacques, un autre écrit qui provient des manuscrits de Nag Hammadi, manuscrit qui est notre principale source d'informations sur ce qu'étaient les chrétiens gnostiques des 2e et 3e siècle. Et comme dans tous les texte gnostiques, on y parle de la Connaissance nécessaire à la Plénitude, l'opposition entre la lumière et les ténèbres, etc..
En bref, il s'agit d'un échange entre le Sauveur ressucité, Jacques et Pierre. Bien que ne pouvant nullement avoir l'authorité qu'un évangile canonique ou un évangile de Thomas puisse avoir, ce texte contient assez de matériel proche de ceux ci pour que le Jesus Seminar affirme que certaines véritable traditions orales à propos de Jésus aient pu l'inspirer. On y sent d'ailleurs une grande influence de l'évangile de Jean. C'est donc une lecture d'un intérêt particulier, même si le matériel qui s'y trouve est d'un intérêt bien inégale. Je vous ai sélectionné un extrait que j'aime bien, et qui aborde le thème de la Vie, la mort et la souffrance.
Je répondis et lui dis : « Seigneur, nous pouvons t’obéir, si tu le veux, car nous avons abandonné nos pères, nos mères et nos villages et nous t’avons suivi. Donne-nous donc le moyen de ne pas être tentés par le Diable mauvais ».
Le Seigneur répondit et dit : « Quelle sera votre récompense, si vous faites la volonté du Père, sans recevoir de lui, comme une part de don, d’être éprouvés par Satan ? Mais si vous êtes opprimés par Satan et persécutés, et que vous fassiez la volonté du Père, je le dis : Il vous aimera et il vous rendra égaux à moi et il pensera à votre sujet que vous êtes devenus bien-aimés dans sa providence selon votre choix.
Ne cesserez-vous donc pas d’aimer la chair et de craindre la souffrance? Ou ne savez-vous pas que vous n’avez pas encore été maltraités ni encore accusés injustement ni encore enfermés dans une prison, ni encore condamnés illégalement, ni encore crucifiés sous un faux prétexte, ni ensevelis dans du sable, comme moi-même je l’ai été par le Malin ? Vous osez ménager la chair, ô vous, pour qui l’Esprit est un mur qui vous entoure !
Si vous réfléchissez sur le monde, depuis combien de temps il existait au moment où vous y êtes tombés, et combien de temps, après vous, il demeurera encore, vous trouverez que votre vie est éphémère et que vos souffrances sont d’une seule heure. Les bons, en effet, n’entreront pas dans le monde. Méprisez donc la mort et souciez-vous de la Vie. Rappelez-vous ma croix et ma mort, et vous vivrez ».
(...)
Comprenez ce qu’est la Grande Lumière. Le Père n’a pas besoin de moi. Un père, en effet, n’a pas besoin de son fils, mais c’est le fils qui a besoin du père. C’est vers lui que je me hâte, car le Père du Fils n’a pas besoin de vous. Écoutez le Verbe, comprenez la Connaissance, aimez la Vie, et personne ne vous persécutera, ni personne ne vous opprimera, hormis vous seuls.
- Livre secret de Jacques
Nous avons effectivement si peur que le malheur nous tombe dessus, comme ça. Et on prie Dieu constamment pour qui nous l'évite à tout prix, qu'il nous préserve dans une belle petite couette toute chaude de bonheur et de sécurité.Or, Jésus, ici et dans bien des passages du Nouveau Testament, nous avertis à de nombreuses reprise qu'il faut accepter de porter notre croix, car elle est ce qui nous rapproche de la perfection de Dieu. À la différence des canoniques par contre, où Jésus dit parfois qu'il ne faut pas aimer le monde, voire même qu'il faut détester sa vie, ici il dit tout le contraire: aimez la vie, et dans la souffrance continuez de chercher la lumière et la Connaissance. Car ce texte nous dit que face à la souffrance nous avons un choix, et qu'au bout du compte, c'est bien plus nous même que Dieu qui sommes causes de notre propre persécution.
Le dernier extrait provient du Livre d'Urantia, un des textes sacrés à être apparus durant la vague de "révélations cosmiques" qu'a apporté la naissance du mouvement New Age. Le livre d'Urantia est massif, plus gros que la Bible elle-même, et se veut une réécriture complète de celle-ci dans un langage influencé par les idées sociales libérales de la première moitié du 20e siècle. C'est une lecture tout à fait fascinante, ne serait-ce que par l'imaginativité énorme dont ont fait preuve les auteurs. Entre autres, le dernier tiers du livre est une romancisation de la vie de Jésus vraiment très vivide et détaillée et qui donne un éclairage intéressant sur lui malgré les libertés prises (Jésus y est entre autres décrit comme un admnistrateur angélique de notre coin de la galaxie).
Dans l'un des premiers chapitres, qui sont dédiés à décrire la nature de Dieu, on trouve ce très beau passage. Je vous laisse là dessus!
Les incertitudes de la vie et les vicissitudes de l’existence ne contredisent en aucune manière le concept de la souveraineté universelle de Dieu. Toute vie d’une créature évolutionnaire est assaillie par certaines inévitabilités, dont voici des exemples :
Le courage — la force de caractère — est-il désirable ? Alors il faut que l’homme soit élevé dans un environnement qui l’oblige à s’attaquer à de dures épreuves et à réagir aux désappointements.
L’altruisme — le service du prochain — est-il désirable ? Alors il faut que l’expérience de la vie fasse rencontrer des situations d’inégalité sociale.
L’espoir — la noblesse de la confiance — est-il désirable ? Alors il faut que l’existence humaine soit sans cesse confrontée aux incertitudes renouvelées et aux insécurités.
La foi — l’affirmation suprême de la pensée humaine — est-elle désirable ? Alors il faut que le mental de l’homme se retrouve dans cette situation embarrassante où il en sait toujours moins que ce qu’il peut croire.
L’amour de la vérité — avec l’acceptation de la suivre où qu’elle vous conduise — est-il désirable ? Alors il faut que l’homme croisse dans un monde où l’erreur est présente et la fausseté toujours possible.
L’idéalisme — l’émergence du concept du divin — est-il désirable ? Alors il faut que l’homme lutte dans un environnement de bonté et de beauté relatives, dans un cadre qui stimule la tendance irrépressible vers des choses meilleures.
La loyauté — la dévotion au devoir supérieur — est-elle désirable ? Alors il faut que l’homme poursuive son chemin parmi les possibilités de trahison et de désertion. La valeur de la dévotion au devoir implique le danger qui résulterait d’une défaillance.
Le désintéressement — l’esprit d’oubli de soi — est-il désirable ? Alors il faut que l’homme mortel vive face à face avec les clameurs incessantes d’un moi qui demande inéluctablement reconnaissance et honneur. L’homme ne pourrait choisir dynamiquement la vie divine s’il n’y avait pas une vie du moi à délaisser. L’homme ne pourrait jamais faire jouer la droiture pour son salut s’il n’y avait pas de mal potentiel pour exalter et différencier le bien par contraste.
Le plaisir — la satisfaction du bonheur — est-il désirable ? Alors il faut que l’homme vive dans un monde où l’alternative de la douleur et la probabilité de la souffrance soient des possibilités d’expérience toujours présentes.
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