Bronté, c'est-à-dire Tonnerre, est un long poème prophétique originalement écrit en grec, mais nous n’en possédons qu’un manuscrit traduit en copte. Son sous-titre est Intellect Parfait. Il n'y a pas de consensus à savoir par qui, où et quand il a été écrit. On sait simplement qu'il exprime des idées gnostiques et orientale, avec une influence de la philosophie grecque. C'est une grosse énigme.
Le texte frappe d’abord par sa très grande richesse littéraire, ses images frappantes, ses contrastes, son rythme. C’est une lecture saisissante, stimulante et oui, électrifiante! Mais le choc principal vient des idées tout à fait provoquantes contenues dans le texte. Qui est Bronté, cette mystérieuse figure féminine qui parle à la première personne? On se doute bien qu’il s’agit de Dieu, mais une conception de Dieu étrange, toute en contradictions, à des années lumières des traditions patriarcales du milieu où il a été écrit. « Vous qui me connaissez, ignorez-moi , et ceux qui ne m’ont pas connue, qu’ils me connaissent. Ceux qui sont proches de moi, ils ne m’ont pas connue et ce sont ceux qui sont loin de moi qui m’ont connue.», lance-elle en avertissement à ceux qui voudraient l’approcher en croyant la saisir… vous serez foudroyés!
Bronté est la Mère Divine qui nous porte en elle, avec toute notre beauté et toute notre laideur. Elle englobe tout et rassemble en elle tous les contraires et les dualités. Mais elle est aussi l’archétype de toutes les femmes de la terre, qui ont parfois été glorifiée, mais aussi et surtout humiliées et réduites à rien, vue comme la créature la plus pure mais aussi comme la tentatrice et source du mal. Je lis ce poème et je vois toute l’expérience féminine s’exprimer enfin dans toute sa divinité.
Je m'en voudrait d'en dire plus, je laisse le texte parler maintenant. C'est une longue lecture mais elle en vaut la peine. Je commenterait mes passages favoris dans un autre post. Il s'agit de la traduction de l'Université Laval. Le manuscrit ayant été endommagé, ne soyez pas surpris de voir des trous apparaître ici et là.
C’est de la puissance que, moi, j’ai été envoyée
et c’est vers ceux qui pensent à moi que je suis venue
et j’ai été trouvée chez ceux qui me cherchent.
Regardez-moi, vous qui pensez à moi,
et vous auditeurs, écoutez-moi.
Vous qui êtes attentifs à moi, recevez-moi auprès de vous
et ne me chassez pas de devant vos yeux
et ne laissez pas votre voix me haïr, ni votre ouïe.
Ne m’ignorez en aucun lieu non plus qu’en aucun temps.
Gardez-vous de m’ignorer !
Car c’est moi la première
et la dernière.
C’est moi celle qui est honorée
et celle qui est méprisée.
C’est moi la prostituée
et la vénérable.
C’est moi la femme
et la vierge.
C’est moi la mère
et la fille.
Je suis les membres de ma mère.
C’est moi la stérile
et ses enfants sont nombreux.
C’est moi celle dont les mariages sont multiples
et je n’ai pas pris mari.
C’est moi la sage-femme
et celle qui n’enfante pas.
C’est moi la consolation de mes douleurs.
C’est moi la fiancée et le fiancé,
et c’est mon mari qui m’a engendrée.
C’est moi la mère de mon père et la soeur de mon mari,
et c’est lui mon rejeton.
C’est moi la domestique de celui qui m’a formée.
C’est moi la maîtresse de mon rejeton.
Or c’est lui qui m’a engendrée avant le temps
dans une naissance prématurée
et c’est lui mon rejeton dans le temps
et ma puissance, elle est issue de lui.
Je suis le bâton de sa puissance dans son enfance
et c’est lui la canne de ma vieillesse
et ce qu’il veut se produit par rapport à moi.
C’est moi le silence qu’on ne peut saisir
et la pensée dont la mémoire est riche.
C’est moi la voix dont les sons sont nombreux
et la parole dont les aspects sont multiples.
C’est moi l’énoncé de mon nom.
Pourquoi, vous qui me haïssez,
m’aimez-vous
et haïssez-vous ceux qui m’aiment ?
Vous qui me reniez,
confessez-moi
et vous qui me confessez,
reniez-moi.
Vous qui dites vrai à mon sujet,
mentez à mon propos,
et vous qui avez menti à mon propos,
dites la vérité à mon sujet.
Vous qui me connaissez,
ignorez-moi
et ceux qui ne m’ont pas connue,
qu’ils me connaissent.
Car c’est moi la connaissance
et l’ignorance.
C’est moi la honte et l’assurance.
Je suis effrontée.
Je suis réservée.
Je suis hardiesse et je suis frayeur.
C’est moi la guerre et la paix.
Soyez-moi attentifs, moi , l’avilie et la notable !
Soyez attentifs à ma pauvreté et à ma richesse !
Ne soyez pas méprisants à mon égard
alors que je gis sur la terre
et vous me trouverez chez ceux qui doivent venir.
Si vous me voyez sur le fumier,
ne passez pas non plus
et ne me laissez pas gisante,
et vous me trouverez dans les royaumes.
Si vous me voyez alors que je gis chez ceux qui sont avilis
et dans les lieux les plus humbles,
ne vous moquez pas non plus de moi.
Ne me rejetez pas non plus avec sévérité
chez ceux qui sont déficients.
Or moi, je suis compatissante
et je suis impitoyable.
Gardez-vous de haïr mon obéissance,
et ma continence aimez-la.
Dans ma faiblesse, ne m’oubliez pas
et ne craignez pas devant ma puissance.
Pourquoi, en effet, dédaignez-vous ma frayeur
et maudissez-vous ma jactance ?
Or c’est moi qui suis dans toutes les craintes
et c’est moi la hardiesse dans le tremblement.
C’est moi celle qui est maladive
et c’est en un lieu agréable que je suis saine.
Je suis sotte
et je suis sage.
Pourquoi m’avez-vous haïe en vos délibérations ?
Parce que je me tairai, moi, en ceux qui se taisent ?
Mais je me manifesterai et parlerai.
Pourquoi donc m’avez-vous haïe, vous les Grecs ?
Parce que je suis une barbare parmi les Barbares ?
Car c’est moi la sagesse des Grecs
et la connaissance des Barbares.
C’est moi le jugement des Grecs
ainsi que des Barbares.
C’est moi celle dont les formes sont nombreuses en Égypte
et celle qui n’a pas de forme chez les Barbares.
C’est moi celle qui fut haïe en tout lieu
et celle qui fut aimée en tout lieu.
C’est moi celle qu’on appelle «la vie»
et vous m’avez appelée «la mort».
C’est moi celle qu’on appelle «la loi»
et vous m’avez appelée «la non-loi».
C’est moi celle que vous avez poursuivie
et c’est moi que vous avez saisie.
C’est moi celle que vous avez dispersée
et vous m’avez rassemblée.
C’est moi celle devant qui vous avez eu honte
et vous avez été impudents à mon égard.
C’est moi celle qui ne célèbre pas de fête
et c’est moi celle dont les fêtes sont nombreuses.
Moi, je suis une sans-dieu
et c’est moi celle dont les dieux sont nombreux.
C’est moi que vous avez reconnue
et vous m’avez méprisée.
Je suis sans instruction
et c’est de moi que l’on reçoit l’instruction.
C’est moi celle que vous avez dédaignée
et vous me reconnaissez.
C’est moi dont vous vous êtes cachés
et vous m’êtes manifestés.
Or quand vous vous cacherez,
moi-même, je me manifesterai.
Car quand vous vous manifesterez à moi,
moi-même, je me cacherai de vous.
Enlevez-moi de leur science
hors de la peine
et recevez-moi auprès de vous
hors de la science dans la peine,
recevez-moi auprès de vous
hors des lieux avilis et dans le créé,
et saisissez-moi
hors des choses bonnes quoique dans la disgrâce.
Hors de la honte, recevez-moi auprès de vous avec impudence,
et hors de l’impudence, avec honte.
Reprenez mes membres en vous
et élancez-vous jusqu’auprès de moi,
vous qui me connaissez et qui connaissez mes membres,
et établissez les grandes choses
dans les petits premiers-créés.
Élancez-vous vers l’enfance
et ne la haïssez pas
parce qu’elle est chétive et qu’elle est petite,
ni ne détournez des grandeurs individuelles
loin des petites choses.
Car c’est à partir des grandeurs
que l’on connaît les petites choses.
Pourquoi me maudissez-vous
et m’honorez-vous ?
Vous avez frappé
et vous avez épargné.
Ne me séparez pas des premiers, ceux que vous avez connus,
ni ne jetez personne dehors,
ni ne détournez personne loin de [ . . . . . . . . . . . . ].
Je connais, moi, les premiers,
et ceux qui sont après eux, ils me connaissent.
Or c’est moi l’intellect parfait
et le repos du [ . . . . . . ].
C’est moi la connaissance
de ma recherche
et la découverte
pour ceux qui me cherchent
et le commandement
pour ceux qui me sollicitent
et la puissance :
pour les puissances,
par ma connaissance ;
pour les anges qui ont été envoyés,
par ma parole ;
et pour les dieux parmi les dieux,
par mon conseil ;
et les esprits de tous les hommes,
c’est avec moi qu’ils sont
et les femmes,
c’est en moi qu’elles se trouvent.
C’est moi celle qui est honorée
et celle qui est bénie
et celle qui est dédaignée avec mépris.
C’est moi la paix
et c’est à cause de moi que la guerre s’est produite,
et je suis une étrangère
et une citoyenne.
C’est moi l’essence
et celle qui n’a pas d’essence.
Ceux qui proviennent de mon commerce,
ils ne me connaissent pas
et ce sont ceux qui se trouvent dans mon essence
qui me connaissent.
Ceux qui sont proches de moi,
ils ne m’ont pas connue
et ce sont ceux qui sont loin de moi
qui m’ont connue.
C’est au jour où je suis proche de vous
que je suis loin de vous
et c’est au jour où je suis loin de vous
que je suis proche de vous.
C’est moi la création des esprits
et la requête des âmes.
C’est moi la domination
et la sans-retenue.
C’est moi l’union
et la rupture.
C’est moi la permanence
et c’est moi la dispersion.
C’est moi la descente
et c’est vers moi que l’on montera.
C’est moi la sentence
et l’acquittement.
Moi, je suis sans péché,
et la racine du péché, elle est issue de moi.
C’est moi la concupiscence par la vision
et la maîtrise du coeur,
c’est en moi qu’elle se trouve.
C’est moi l’audition qui est recevable pour quiconque,
ainsi que la parole qui ne peut être saisie.
Je suis une muette qui ne parle pas,
et abondante est ma loquacité.
Écoutez-moi avec douceur
et recevez à mon sujet l’instruction avec rudesse.
C’est moi qui pousse un cri
et c’est sur la face de la terre que je suis jetée.
C’est moi qui prépare le pain ainsi que < . . . >
< . . . > mon intellect à l’intérieur.
C’est moi la connaissance de mon nom.
C’est moi qui crie
et c’est moi qui entend.
Je suis manifestée
et [ . . . . . . . . ].
C’est moi le juge,
c’est moi le plaidoyer [ . . . . . . . ].
C’est moi celle qui est appelée «la justice»,
et «la violence» est mon nom.
Vous m’honorez, vous qui avez vaincu
et vous murmurez contre moi, vous qui êtes vaincus.
Jugez-les avant qu’ils ne vous jugent,
car le juge comme la partialité,
c’est en vous qu’ils résident.
Si vous êtes condamnés par celui-ci,
qui vous acquittera ?
Ou si vous êtes acquittés par lui,
qui pourra se saisir de vous ?
Car ce qui est à l’extérieur de vous
est ce qui est à l’intérieur de vous ;
et celui qui donne forme à l’extérieur de vous,
c’est à l’intérieur de vous qu’il s’est imprimé,
et ce que vous voyez à l’extérieur de vous,
vous le voyez à l’intérieur de vous ;
il est manifeste
et c’est votre vêtement.
Écoutez-moi, auditeurs,
et recevez l’instruction au sujet de mes paroles, (vous) qui me connaissez.
C’est moi l’audition
qui est recevable en toute chose.
C’est moi la parole
qui ne peut être saisie.
C’est moi le nom de la voix
et la voix du nom.
C’est moi le signe de l’écriture
et la manifestation de la séparation,
et c’est moi la lumière
et l’ombre.
Écoutez-moi, auditeurs
recevez-moi auprès de vous.
Il est vivant
[ . . . . ] de la grande puissance
et celui qui se tient debout
n’ébranlera pas le nom.
C’est celui qui se tient debout qui m’a créée.
Quant à moi, je dirai son nom.
Voyez donc ses paroles
ainsi que toutes les écritures qui sont accomplies.
Soyez donc attentifs, auditeurs,
et vous aussi, les anges,
ainsi que ceux qui ont été envoyés,
et les esprits qui se sont levés d’entre les morts,
parce que c’est moi qui seule existe
et je n’ai personne qui me jugera.
Car ceux qui se trouvent dans de multiples péchés
sont de nombreuses formes douces ;
et ce sont des dérèglements ainsi que des passions viles
et des plaisirs éphémères qui les retiennent
jusqu’à ce qu’ils redeviennent sobres
et qu’ils se hâtent vers leur lieu de repos.
Et ils me trouveront en ce lieu-là,
ils vivront
et ils ne mourront plus.
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