Je viens d’apprendre que L’Alliance Biblique Française va publier dans deux semaines une nouvelle version de la Traduction Œcuménique de la Bible. Celle-ci, comme les éditions précédentes, sera disponible en version standard et en version à notes intégrale. Évidemment, la traduction sera révisée, ainsi que toutes les introductions et notes. Mais la grande nouveauté de cette édition est la plus grande participation des orthodoxes au processus, alors que certains livres acceptés seulement dans leur canon seront inclus : 3 et 4 Maccabées, 3 et 4 Esdras (2 Esdras étant Néhémie), la prière de Manassé et le Psaume 151.
Le lancement d’une nouvelle traduction de la Bible est toujours un événement excitant pour moi car ca me donne l’occasion de la lire sous un nouvel œil. J’ai chez moi une quinzaine de traductions françaises et anglaises et chacune apporte un petit quelque chose que j’aime. Ma favorite est la Nouvelle Segond, parce qu’elle est précise à l’os. Mais j’adore également les traductions dynamiques en langage courant comme la Parole de Vie, la Scholar’s et The Message.
J’aime la TOB pour ses introductions et notes très intéressantes, qui vont plus loin que de simples détails scientifiques sur des points de traduction. Elle tente d’apporter un éclairage théologique sur le texte sans toutefois tomber dans le commentaire doctrinal. La traduction est fidèle et fluide, bien que le langage soit vieillot par endroit (ex : le Verbe au lieu de la Parole). La révision est donc une bonne nouvelle, et je brûle de hâte d’enfin lire les deutérocanoniques orthodoxes dans ma langue maternelle. J’ai pu voir le début de la Genèse et le style semble se rapprocher beaucoup de l’original hébreux. Ca promet!
Site officiel de la nouvelle traduction
Thursday, October 28, 2010
Tuesday, October 26, 2010
Le passage
"Soyez passants"
- Évangile de Thomas, 42
Cette petite parole de Jésus a donné titre à mon blog, tout simplement parce que je l'aime beaucoup! C’est une des paroles les plus énigmatiques de l’Évangile de Thomas, qui peut être interprétée de bien des façons. Il faut savoir que le « passage » est un thème qui revient souvent dans la littérature sacrée. Pensons par exemple au passage de la mer rouge et du désert évoqué dans la Torah, qui représente en fait allégoriquement le passage de l’âme dans la vie.
La vie est si brève, qu’on peut se demander si ca vaut la peine de s’y impliquer à fond, si ce faisant on risque de passer à côté de la vie spirituelle. Jésus peut sembler ici dire qu’il faut vivre en étant détaché du monde, y passer comme un coup de vent sans aucune attache. « Être dans le monde mais pas de lui », comme le dit la fameuse prière de Jésus de l’Évangile de Jean.
"Et maintenant je vais à toi. Je parle ainsi pendant que je suis encore dans le monde, afin qu'ils aient en eux-mêmes ma joie, une joie complète. Je leur ai donné ta parole, et le monde les a haïs parce qu'ils n'appartiennent pas au monde, comme moi je n'appartiens pas au monde. Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du Mauvais. Ils n'appartiennent pas au monde, comme moi je n'appartiens pas au monde."
- Évangile de Jean, 17 : 13-16
Certains ont interprété ces paroles pour affirmer qu’il faut s’éloigner du monde, ou du moins s’isoler émotivement de lui afin d’éviter qu’il nous « salisse ». Quant on lit certains classiques chrétiens du Moyen-âge comme par exemple l’Imitiation du Christ, le dégoût pour le monde est fort apparent. Et si on ajoute à ca les passages où Jésus demande de détester sa propre vie, on pourrait penser que Jésus ne trippait vraiment pas sur notre petite planète!
Jésus fêtant |
La clé de ce logion de Thomas nous vient peut-être, de facon surprenante, d’une parole qui est attribué à Jésus dans l’Islam. En effet, dans une très ancienne mosquée À Fatehpur Sikiri, en Inde, une gravure sur un mur indique que Jésus aurait dit ceci :
"Le monde est un pont. Traversez le mais n’y bâtissez pas votre maison."
Cette citation est largement répétée dans la littérature musulmane. Le pont, faut le traverser. Et il ne faut pas le traverser en regardant en l’air en se disant que c’est plus beau en haut qu’en bas. Sinon, on risque non seulement de manquer le paysage mais aussi de faire un faux pas et tomber en bas. Ou pire, passer à côté d’un frère ou une sœur qui s’est perdu. Les écueils du matérialisme sont nombreux, mais les écueils de l’ascétisme le sont presque autant.
"Ce ne sont pas ceux qui manquent d'énergie ou s'abstiennent d'agir, mais plutôt ceux qui agissent sans attendre rien en retour qui atteignent le véritable but de la méditation. À eux est la vraie renonciation."
- Bhagavad-Gita 6:1 (adaptation francaise de la traduction de Eknath Easwaran)
Alors aimons la vie! Il faut tout simplement éviter de regarder ses pieds, de s’accrocher de façon égoïste à la vie, d’oublier qu’elle nous a été prêtée pour un bref moment. Vivre au jour le jour plutôt que d'attendre des récompenses futures. Regarder ni en haut ni en bas donc, mais droit devant!
Le théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup, dans son incontournable commentaire de l’Évangile de Thomas, a écrit cette merveilleuse remarque qui résume tout.
"Un passant voit toutes choses pour la première et la dernière fois. Il ne se retournera pas en arrière. Il goûte chaque instant comme le lieu même du passage vers l’Éternel Présent."
Pour terminer, voici une jolie prière dite par « Jésus » (du moins inspiré de lui) dans un autre apocryphe, les Actes de Jean. Elle aussi parle de « passage », et du Christ qui est là pour nous y guider et non pas pour nous le faire manquer!
"Je suis une lampe pour toi qui me regarde.
Je suis un mirroir pour toi qui me percois
Je suis une porte pour toi qui frappe à moi.
Je suis un chemin pour toi, passant."
Joli non?
Sunday, October 24, 2010
Évangile de Thomas: la quête
Jésus a dit :
Celui qui découvrira le sens de ces paroles ne goûtera pas à la mort.
Que celui qui cherche n’arrête pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Quand il aura trouvé, il sera bouleversé et, étant bouleversé il sera émerveillé et il règnera sur le Tout.
Si vos guides vous disent que le Royaume est dans le ciel, alors les oiseaux du ciel vous devanceront. S’ils vous disent qu’il est dans la mer, alors les poissons vous devanceront. Mais le Royaume est en vous et hors de vous. Quand vous vous serez connu, alors vous serez connus et vous saurez que vous êtes les enfants du Père Vivant. Mais si vous ne vous connaissez pas, alors vous êtes dans la pauvreté, vous êtes la pauvreté.
Que l’homme âgé n’hésite pas à interroger un enfant de sept jours sur le lieu de la Vie et il vivra, parce que beaucoup des premiers seront les derniers et ils seront Un.
- Évangile de Thomas, 2-4
En 2002, comme bien des jeunes de 20 ans, je commencais l’université, je travaillais dans un dépanneur la fin de semaine et je me souciais bien peu de la spiritualité. Je ne peux pas dire que j’étais athée… je croyais en une réalité spirituelle que la science ne pouvait expliquer. Mais je ne croyais pas en Dieu, ou du moins je ne croyais pas en la seule conception de Dieu que l’on m’avait présentée jusque-là.
J’avais un grand respect pour Jésus. Sans trop connaître en détail ses gestes et paroles, j’avais tout de même une idée générale du genre d’homme qu’il était et je le considérais comme un être humain admirable, sans plus. Mais il suscitait ma curiosité, comme tous les grands personnages de l’histoire qui ont un « côté secret ». C’est pourquoi j’ai eu envie d’aller lire cet évangile « interdit » sur internet.
Hors, dès les premières lignes, celles qui sont reproduites ci-haut, j’ai constaté que j’avais affaire à un document vraiment spécial! Il se présentait comme une énigme; en trouver le sens offrait la clé pour le plus grand rêve de l’humanité : l’immortalité. On devinera que Jésus ne parle pas du corps physique ici!
La devise de Socrate |
Le mot Royaume aussi m’était familier, je l’avais entendu dans mes cours de catéchèse. C’était un concept flou que les profs n’expliquaient jamais très bien. J’avais une vague notion qu’il s’agissait du paradis, images kétaines de nuages et d’anges chantants en prime.
Toutefois, ce qui m’a interpellée le plus c’était que Jésus parlait ici d’une quête. Une quête? Pourtant on ne m’avait jamais présenté la spiritualité comme ca. La religion, c’était aller à l’église se faire dire un sermon par un curé. Pas énormément de recherche à faire là-dedans. Une quête? L’idée évoque quelque chose de nouveau et excitant, elle appelle au côté aventurier de l’être humain. Elle évoque des contes avec de grands paysages, des mystères et des dangers inattendus, un trésor fabuleux.
Présentée ainsi comme une quête, la vie spirituelle prend un tout autre sens. Elle devient porteuse d’un espoir nouveau, celui d’être étonnée! Oh, il y a risque d’être bouleversée aussi, mais ca fait partie de tout conte intéressant. Et quelle était pour moi la partie la plus étonnante, voire bouleversante des ces quelques premiers mots de l’Évangile de Thomas?
Le fait que pour Jésus, se connaître soi-même, c’est reconnaître que non seulement nous sommes enfants de Dieu, mais nous faisons Un avec lui. Attaboy!
Aldous Huxley |
Mais bien sûr, je ne savais rien de tout ca à l’époque. Mais le concept était tout rafraîchissant pour moi. Il venait appeler à quelques intuitions que j’avais déjà eues par rapport à ma place dans l’univers.
Pas longtemps après ca j’ai acheté ma première Bible. Pas pour des raisons religieuses en fait, mais seulement par curiosité intellectuelle. J’avais envie d’aller lire plus en détail l’histoire de Jésus. Je ne m’en rendais pas encore compte, mais ce jour là une graine avait été semée dans un bon terreau.
Saturday, October 23, 2010
Évangile de Thomas: l'histoire
Il n'y a rien de caché qui ne sera dévoilé.
- Évangile de Thomas, 5
Je sais que ca ne devrait pas, mais je reste toujours étonnée quand je parle avec des amis chrétiens et qu’ils ne connaissent pas l’Évangile de Thomas. C’est que pour moi ce texte a une telle importance qu’on dirait que je le prends comme acquis. Pourtant, ca ne fait que 65 ans qu’il a été redécouvert, et ca ne fait que 10-20 ans qu’on en parle dans les ouvrages grand public...
Alors voilà, l’histoire commence avec les hérésiologistes de l’église primitive, comme Origène et Irénée, qui décident de fixer le canon scriptural ainsi que la doctrine de la religion chrétienne naissante. Leur textes condamnent de nombreux mouvement et de nombreux textes, dont entre autres des évangiles, des actes d’apôtres, des apocalypses… La décision étant prise de s’en tenir à quatre évangiles (nombre très symbolique), les autres sont rapidement éliminés de la circulation. C’est pourquoi de nombreux évangiles mentionnés dans les écrits de l’époque disparaissent à ce moment-là : Évangile de Thomas, Évangile des Ébionites, Évangiles des Nazoréens, Évangile de Judas, Évangile des Hébreux, etc.
Faisons marche avant jusqu’à la fin du 19e siècle, où l’on découvre à Oxyrhynchus, en Égypte, un papyrus, écrit en grec et très endommagé, contenant des paroles inédites de Jésus. Le document est très fragmentaire et sa découverte se fait dans l’indifférence générale du public. Mais la curiosité des spécialiste est sérieusement piquée!
Les manuscrits de Nag Hammadi |
Les gnostiques qui ont réunis ces textes faisaient partie de la frange plus mystique du christianisme naissant. Disons que pour eux, le monde physique était une illusion créée par un faux dieu, et que la vérité se trouvait à l’intérieur de l’individu. Alors seulement par la gnosis, la connaissance de soi, et la sophia, la sagesse divine, l’être humain pouvait retourner à l’état originel d’unité avec le Divin. Cette idée pourtant très simple et universelle était toutefois camouflée, chez les gnostiques, par un langage ésotérique, une cosmogonie très compliquée et des rituels initiatiques réservés à une élite peu nombreuse. Peu étonnant qu’ils aient été chassés comme la peste par l’église de Rome.
L'apôtre Thomas dans la scène bien connue |
Sur ces 114 paroles, ou logions comme on les appelle souvent, la plupart sont des versions alternatives des paroles et paraboles que nous connaissons tous. Le style est plus archaique et oral que dans les évangiles canonique, ce qui fait penser à plusieurs que l’Évangile de Thomas leur serait antérieur. Mais à travers le terrain connu se trouvent des paroles inédite qui sont étonnantes, voire même déroutantes, pour nous qui croyions tout connaître de Jésus.
Car ici Jésus parle du Royaume comme étant à l’intérieur de chaque être humain et accessible par là connaissance de soi-même. Jésus parle du Royaume comme du lieu où toutes les dualités du monde matériel perdent leur sens. Jésus, en fait, parle du Royaume comme étant l’état d’une personne qui a réalisé son unité avec Dieu et la création. On ne se demande pas pourquoi ce texte a été mis à l’index! Encore aujourd’hui, c’est du bout des lèvres qu’il est mentionné dans les églises, et bien rarement de manière positive. On le dénigre comme étant un écrit gnostique et tardif. Pourtant, en le lisant, on peut voir qu’il n’est pas bien différent en substance de l’évangile de Jean ou même des synoptiques (Marc, Matthieu et Luc). Il est tout à fait plausible que ces paroles soient bel et bien de Jésus. En fait, de plus en plus de chrétiens, moi incluse, l’ont intégré avec grande joie dans leur canon. Je fais le pari que dans les prochaines décénnies il prendra de plus en plus la place qu'il mérite!
Personnellement, cet évangile est indissociable de la vision que j’ai du Christ. Je dirais même qu’il est la raison de la renaissance de ma foi il y a plusieurs années. J’aurais l’occasion d’en reparler. Je partagerai dans les prochaines semaines des passages de cet évangile. Vous pourrez en juger de vous-mêmes!
Friday, October 22, 2010
Trouver les mots
« Maître, ma bouche n’acceptera pas de dire à quoi tu ressembles. »
- Évangile de Thomas, 13.
Voilà ce que répond Thomas lorsque Jésus demande à ses disciples de dire ce qu’ils pensent qu’il était. Pour Pierre, il est le Messie venu apporter la justice sur terre, et pour Matthieu il est le plus grand des sages. Mais Thomas, l’apôtre incrédule de l’évangile de Jean, au moment de décrire la présence de Dieu qui se trouve en face de lui, se voit incapable de dire quoi que ce soit.
Je me reconnais souvent dans ce passage. Parce que franchement, bien que ma vie spirituelle occupe une place importante dans ma vie, je suis souvent incapable de dire aux gens ce que je crois. Et quand j’essaie de le faire, gare au fouillis d’idée mal organisée qui essaie de sortir. Pour moi, l’expérience du Divin est quelque chose de tangible mais de difficile à saisir, c’est quelque chose qui me suit depuis le début de mon âge adulte mais qui me glisse entre les doigts à tout moment.
Est-ce donc surprenant que ma quête m’a mené à de si différents endroits? Car malgré que mon rocher reste et restera toujours Jésus, ma curiosité m’a amenée à parcourir les religions du monde entier et leurs textes sacrés. Mon cœur navigue entre l’Évangile et la Gita, entre le Cours en Miracle et la sagesse du Bouddha, entre Maître Eckhart et Sri Nisagardatta Maharaj…
Pourquoi cette quête? Peut-être afin de trouver LE mot, LA phrase qui saura enfin décrire la vérité qui en moi est claire. Oh, j’en ai quand même trouvé des pas mal. Tiens, comme celle qui a donné nom à ce blog. Soyez passants. Une parole de Jésus elle aussi tiré de l’Évangile de Thomas. Une minuscule phrase sur laquelle on peut porter mille réflexions et commentaires.
Mais LA phrase? Je ne la trouverai jamais. Mais je continuerai à la chercher et je compte bien avoir du plaisir toute ma vie! Et c’est pourquoi je décide ce soir, après de longues hésitations, à m’aventurer à partager ma foi sur Internet, univers où les mots sont rois!
Alors à toi, passant ou passante, bonne lecture!
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